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vier dans le ministère devait ramener un peu de la confiance qu’un budget notoirement en déficit a diminuée. Mais quoi ! Il y a deux réformes que le parti radical n’a pas cessé de promettre, et dont il s’est même quelquefois fait un tremplin électoral : le rachat des chemins de fer, l’impôt global et progressif sur le revenu. M. Rouvier est l’adversaire de l’une et de l’autre, et il ne pourrait en devenir partisan, — ce dont nous ne le soupçonnons pas capable, — sans perdre aussitôt la grande situation qu’il occupe dans le monde de la finance. Que faire donc ? Il fallait renoncer à ces réformes sans en avoir l’air. Il fallait des euphémismes pour laisser espérer ce qu’on était décidé à ne pas donner. Il fallait des phrases qui seraient comme des écrans propres à dissimuler un inévitable mouvement de recul. On s’y est ingénié, et la déclaration ministérielle est intéressante à ce point de vue.

Voici comment on s’est tiré d’affaire. « La Chambre dernière, dit la déclaration, avait chargé le gouvernement de lui préparer l’étude des conditions dans lesquelles pourrait s’opérer le rachat d’une partie de nos chemins de fer : nous nous conformerons à cette décision. » La question était à l’étude, elle y reste. C’est fort bien : plus l’étude sera sérieuse, plus elle tournera contre la solution qui avait souri à l’ignorance de la dernière Chambre. Passons à l’impôt sur le revenu. La déclaration s’exprime à son sujet comme il suit : « Parmi les réformes que le suffrage universel nous a donné le mandat d’entreprendre, une des premières places appartient à celles qui doivent introduire dans notre système fiscal plus d’équité et d’esprit démocratique, et notamment au remplacement de certaines de nos vieilles contributions par un impôt général sur le revenu, qui, taxant chacun suivant ses facultés, doit soulager dans une large mesure la démocratie des villes et des campagnes. » Cela n’est pas bien méchant. Nous avons deux contributions directes sur quatre, la taxe personnelle-mobilière et celle des portes et fenêtres, qui ne sont autre chose qu’un impôt général sur le revenu. Qu’on les fonde ensemble sous ce nom collectif, et qu’on en modifie un peu l’aménagement : cela ne vaudra peut-être pas mieux que ce que nous avons, mais on peut essayer, le mal ne sera pas grand. Mais est-ce là ce que les radicaux et les socialistes ont toujours voulu et annoncé ? Oh ! non. Aussi leur déception était-elle grande à la lecture de la déclaration ministérielle. Au mot d’impôt général que prononçait M. Combes, ils interrompaient en criant progressif ! M. Combes reprenait : général, et n’ajoutait pas : progressif. Qui aurait cru qu’un ministère radical, — car enfin c’est un ministère radical, — n’arri-