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verait au pouvoir que pour passer sous silence, traiter par omission, enfin enterrer décemment les réformes les plus chères à la démocratie ? Après cela, il faut s’attendre à tout ; et nous nous demandons si, dans peu de temps, la plupart de ses amis se tournant contre lui, M. Combes ne sera pas sauvé par les modérés, les libéraux et ces odieux progressistes qui déjà ont si souvent sauvé M. Waldeck-Rousseau. Mais, s’ils le font, ils y auront du mérite, car M. Combes n’a rien fait pour les ramener à lui. Dans l’interpellation que les radicaux et les socialistes lui ont adressée à la suite de sa déclaration, et qui, loin de dissiper les nuages accumulés sur sa politique, les a encore épaissis, la seule chose qu’il ait dite avec clarté est qu’il ne voulait pas de l’apaisement. Il a parlé du péril que le cléricalisme et le nationalisme font courir à la République, comme si nous étions encore à trois ans en arrière. En serions-nous donc toujours au même point ? Trois années de gouvernement de combat n’ont-elles pas encore sauvé la République ! Tout est-il à recommencer ? S’il en est ainsi, l’ancien ministère ne mérite pas les éloges qu’on lui a prodigués. Mais M. Combes, après avoir bien cherché, n’a rien trouvé de mieux que de le plagier, et c’est ce qu’il appelle le continuer. La seule différence est que nous n’avons pas M. Waldeck-Rousseau : elle a paru sensible à la Chambre.

Cela ne l’a pas empêchée d’accorder sa confiance à M. Combes ; mais, de l’aveu de tous, ce vote n’a pas d’importance N’ayant pas pu juger le Cabinet d’après ses paroles, la Chambre a voulu l’attendre à ses actes. Soit : nous ferons de même. Mais, dès aujourd’hui, notre crainte est que, destiné à causer quelques déceptions politiques à ses amis, le ministère ne cherche à leur donner des compensations sur le terrain religieux. Bien que la phrase de la déclaration relative à la loi sur les associations ne signifie pas grand’chose, c’est de ce côté que le zèle de nos ministres est inquiétant. On ne saurait croire cependant à quel point les questions qui se rattachent aux congrégations passionnent peu « la démocratie des villes et des campagnes. » Le paysan, en particulier, y reste fort indifférent : le moindre grain de mil ferait bien mieux son affaire. Malheureusement, il n’est pas à la portée de tout le monde de créer le moindre grain de mil, tandis que la persécution est chose si facile ! L’ancien ministère a vécu en la promettant ; celui-ci pourrait bien vivre en la pratiquant. Sa faiblesse même est pour nous une cause d’inquiétude. Nous nous défions des gouvernemens irrésolus. Le proverbe dit qu’on ne va jamais plus loin que lorsqu’on ne sait pas où l’on va, et le ministère ne sait évidemment pas