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auprès de sa belle-mère. Elle n’aime pas ce séjour où règne une étiquette « fort ennuyante » et que l’absence de Bonsi lui rend insupportable. Ses « compagnes de veuvage » les femmes des aides de camp qui ont suivi l’Empereur, y résident avec elle. Les impératrices s’efforcent de les distraire. Mais, en dépit des plaisirs, il n’y a de consolation pour Dorothée que lorsque arrivent des nouvelles des voyageurs. Elle en fait part joyeusement à son frère et, du même coup, la correspondance reprend son caractère de chronique historique et mondaine.

« Partout, l’Empereur est acclamé. A Riga, le peuple a dételé ses chevaux à la porte des faubourgs et a traîné la voiture jusqu’au château. Les gardes qui avaient eu l’ordre de ne pas venir à la rencontre de l’Empereur sont sortis malgré cela et l’ont reçu avec des cris de joie qui ont été répétés par tous les habitans. Les matelots de toutes les nations qui se trouvent à Riga semblaient en ce moment ne faire qu’un peuple avec la nation russe. L’Empereur a été touché jusqu’aux larmes et il y avait bien de quoi. Il s’est arrêté pendant trois jours à Riga, pendant lesquels il n’y avait que fêtes, que bals. Mon mari a dansé du matin au soir.

« Je m’ennuie ici à périr ; vous ne vous faites pas idée de l’étiquette qui y règne. Cependant, depuis quelques jours, je ne vais plus aux sociétés ; je prétexte une cure que je fais et je m’en trouve fort bien. Au moins, je passe mon temps plus agréablement et je suis libre, c’est un grand avantage. Lanskoï, l’aide de camp du grand-duc Constantin, a été congédié du militaire et placé au ministère des Affaires étrangères. On dit que c’est pour un uniforme déboutonné. »

Au mois de juillet suivant, le mari et la femme sont de nouveau réunis. Ils ont suivi la cour à Kaméni-Ostrow. Mais ils y habitent dans une maison qu’ils ont louée. C’est encore de la solitude pour Dorothée. Elle n’a plus auprès d’elle ni frère ni sœur. Alexandre, après un séjour en Sibérie, se rend au Caucase à moins qu’il n’aille en Chine ou en Égypte, voire à Constantinople ; c’est un grand voyageur. Mâcha a commencé auprès de l’impératrice Elisabeth son service de demoiselle d’honneur. Costa, apprenti diplomate, vient d’être envoyé à Ratisbonne et Bonsi passe son temps aux ordres de l’Empereur. La correspondance devient plus active. Elle est une distraction pour Mme de Liéven, le meilleur moyen de combler le vide des journées.