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ont, de leur pied insolent, profané le sol sacré du Venezuela. C’est un acte remarquable dans l’histoire des nations civilisées, sans précédent et sans justification possible. C’est un acte barbare, une atteinte aux principes les plus élémentaires du droit des gens. C’est un acte ignoble, parce qu’il est le résultat d’un mélange immoral et lâche de force et de perfidie,... etc., etc. » De pareils discours, accompagnés de gestes plus vifs encore, ne devaient qu’envenimer le conflit. Le bombardement de Puerto-Cabello, le blocus des côtes vénézuéliennes allaient suivre. L’Italie faisait connaître qu’elle avait de son côté des réclamations à présenter, relatives aux dommages éprouvés pendant les révolutions de 1898 et de 1900, dommages estimés par elle à la somme de près de 3 millions de « bolivars » ou de francs, sans préjudice des réparations dues pour l’insurrection courante ; elle déposait à son tour un ultimatum et à son tour annonçait l’envoi de cinq navires de guerre dans les eaux du Venezuela, rendant par là patente son accession à l’entente anglo-allemande et notifiant de ce fait la formation d’une Triplice nouvelle et occasionnelle. L’heure était venue de se demander comment tout cela finirait ; ou plutôt on ne se le demandait déjà plus, et on ne le prévoyait que trop clairement, lorsqu’un changement se fit jour dans l’opinion américaine vis-à-vis des alliés, et même dans l’opinion anglaise vis-à-vis de l’Allemagne, ou, sans changement véritable, des dispositions s’y condensèrent, qui étaient demeurées jusqu’alors à l’état diffus ; et l’on se mit, aux États-Unis et en Angleterre, à exprimer tout haut ce que jusqu’alors on s’était borné à penser et à murmurer tout bas.

A Washington, on ne dissimulait plus le soupçon, que, dans les derniers événemens et, par exemple, dans le bombardement de Puerto-Cabello, les lois internationales aient été violées : pour le dissiper. Il ne fallait rien de moins que le témoignage du ministre des États-Unis à Caracas, M. Bowen. M. Hay, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, s’opposait officiellement à l’extension aux navires américains du blocus qualifié, par un aimable euphémisme, de « pacifique. » Il soutenait qu’une telle forme de blocus, pour ne pas excéder sa définition, n’est applicable qu’aux bâtimens de l’État bloqué et n’existe pas au regard des neutres ; et il invoquait en faveur de cette opinion non seulement l’avis de jurisconsultes éminens, — ce qui n’eût été que peu de chose, — mais « le droit de protection de la liberté commerciale que la doctrine de Monroë confère aux États-Unis dans les eaux du Nouveau Monde ; » — et c’était beaucoup, car c’était l’apparition de ce spectre que le président Castro s’était efforcé, et