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d’Etat<ref> Quand on apprit à l’Empereur l’objet de la mission et les noms des plénipotentiaires, il dit, avec plus d’ironie que d’amertume : « S’il est vrai que les instructions données soient dans le sens de ma dynastie, il fallait choisir d’autres hommes. Les ennemis du père ne seront jamais les amis du fils. » </ef>. Quand ils quittèrent Paris, le 24 juin, ils étaient résolus, d’accord avec Fouché, à s’écarter autant qu’ils le jugeraient nécessaire des instructions du ministre Bignon. Mais où ils différaient de sentiment avec le duc d’Otrante, c’était sur l’importance de leur mission. Fouché, lui, n’en attendait aucun résultat. Il y avait prêté la main en exécution du vote de la Chambre et pour endormir ses collègues de la Commission de gouvernement. Mais il n’avait pas la naïveté de croire, comme La Fayette et les libéraux du Parlement, à la déclaration des Puissances que la guerre n’était faite qu’à Napoléon, et d’en conclure, comme eux, que l’ennemi repasserait la frontière au premier avis de l’abdication. Le langage qu’allaient tenir les plénipotentiaires français lui semblait vain, et même quelque peu ridicule, puisqu’ils prétendaient poser des conditions alors que les circonstances leur commandaient d’en subir. Au reste, cette mission officielle lui importait peu. Il s’en désintéressait. C’était par des menées occultes qu’il comptait arriver à un dénouement plus ou moins sortable pour le pays et, en tout cas, heureux pour lui-même.

Napoléon croyait rester à l’Elysée jusqu’à son départ pour Rochefort. Mais, si Fouché ne voulait point que l’Empereur s’embarquât prématurément, il ne voulait pas non plus le laisser à Paris. Les manifestations populaires continuaient autour de l’Elysée. La fallacieuse reconnaissance de Napoléon II n’avait trompé que ceux qui voulaient bien l’être. Jugée illusoire par la noblesse et la bourgeoisie, qui attendaient les Bourbons, elle n’inspirait guère plus de confiance aux soldats et aux gens du peuple. Ils se défiaient du gouvernement provisoire, des ministres, des Chambres, soupçonnaient mille intrigues, sentaient partout la trahison, et voyaient déjà les Bourbons renversant le trône fragile de cet Empereur de quatre ans. L’arrêt subit de tous les travaux du bâtiment, et, conséquence du découragement général, l’abandon graduel des ateliers employés aux ouvrages de défense, avaient désœuvré une multitude d’ouvriers. Ils parcouraient Paris en bandes nombreuses, portant des drapeaux tricolores et des branches vertes, et criant : « Vive Napoléon II, vive l’Empereur ! Mort aux royalistes ! Des armes ! » Leurs colonnes tumultueuses,