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plus considérable. Si la dépression continue, elle engendre la somnolence, puis bientôt la paralysie, la mort ; mais, quand elle est maintenue dans de justes limites, et que l’altitude ne dépasse point le sommet du Mont-Blanc, l’afflux du sang au cerveau produit des effets excellens. Pour me rajeunir, je n’ai pas besoin d’aller chercher en Vaucluse la fontaine de Pétrarque, c’est un ballon qui est ma source de Jouvence. Quand il y a longtemps que je n’ai fait une cure d’air, je languis, je m’étiole. Ce n’est pas chez moi une passion, c’est un besoin physique.

Lorsqu’on n’abuse pas de ses dons, la dépression est une fée bienfaisante. Du fond des cellules pulmonaires, elle chasse l’air flétri, le résidu respiratoire ; elle introduit à sa place l’air immaculé des hautes régions : qui sait s’il n’arrive point embaumé d’ozone et parfumé d’hélium ?

Sénèque paraît avoir deviné l’impression que font les voyages en ballon sur l’aéronaute le moins habitué aux méditations philosophiques lorsqu’il décrit, dans sa Vita beata, si j’ai bonne mémoire, l’état d’âme du sage voguant au milieu des régions célestes et passant avec indifférence sur les palais des rois, les hôtels des grands ou les chaumières des laboureurs.

À l’époque où les ballons furent inventés, on ne connaissait d’autre moyen de transport mécanique que les chevaux ou les navires. La vitesse des vents excitait alors l’admiration de tous les mortels. On considérait comme la solution d’un immense problème, d’un intérêt suprême, urgent, la découverte d’un procédé pour profiter de toute leur vitesse, dans la région où rien n’entrave leur allure. Mais, depuis les Montgolfier, des inventeurs d’un incomparable génie nous ont donné les steamers, les rails, les fils télégraphiques et même la télégraphie sans fil, la bicyclette et l’automobile.

Le sport aérien fait, de nos jours, de grands progrès, non seulement en France, mais dans tous les pays étrangers, la Suède, l’Angleterre, l’empire d’Allemagne, l’empire d’Autriche, où l’on a imité l’initiative du marquis de Dion et fondé des Aéro-Clubs. Toutefois, il faut l’avouer, ce n’est qu’en France que la construction des ballons dirigeables a pris un développement extraordinaire. En effet, il serait difficile de donner l’inventaire complet de tous nos compatriotes, qui se préparent à figurer dans les courses plates de l’aérodrome de Saint-Louis du Missouri.