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y faire preuve de tact et de correction. M. Mayer a dans le rôle d’Ernstein beaucoup d’aisance et de bon garçonnisme.


Nous n’avons pas à nous occuper longuement à cette place de Théroigne de Méricourt, qui échappe à notre critique par la façon même dont l’auteur a conçu sa pièce. M. Paul Hervieu a trop le sens du théâtre pour s’être fait illusion sur le caractère proprement dramatique de son œuvre. Ces six actes ne lui servent que de cadres où il a fait tenir à peu près tous les acteurs de la Révolution. Le principal personnage n’est lui-même qu’un symbole. Cette Théroigne, qui commence dans la joie et finit dans le délire sanguinaire, lui a semblé très propre à personnifier la Révolution. Cela est important à noter, si l’on veut apprécier avec équité le rôle qu’il lui a prêté. Nous montrer une Théroigne, Égérie des Sieyès et des Danton, veillant au salut de la patrie, aux intérêts de la liberté, distribuant les conseils, l’éloge et le blâme, et devenue la conscience des meneurs révolutionnaires, c’eût été singulièrement et trop grandir le personnage. Mais le vrai nom de Théroigne c’est la Révolution française. L’auteur a donc pu grouper autour d’elle les grandes figures et les faits principaux de la Révolution sur lesquels il s’est fait une opinion, après de consciencieuses recherches et avec un remarquable effort d’impartialité. Il expose, textes en mains, cette opinion documentée avec soin et fortement motivée. Si intéressante qu’elle soit, ce n’est pas ici le lieu de la discuter. Nous n’apprendrons rien aux amis de M. Paul Hervieu en ajoutant que, s’il n’y a pas de pièce dans Théroigne, les scènes du moins n’y manquent pas où se retrouvent la vigueur et l’originalité de son talent.


R. D.