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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/570

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II

Tout le long des rivages des deux Syrtes, la stérilité et la mort résultent de l’impuissance naturelle de ces terres, sans eau et sans humidité, à nourrir les plantes et les animaux. Au contraire, dès qu’en longeant les côtes, on a aperçu les blanches murailles de Benghazi et le plateau de Barka, l’aspect du pays change ; si les ports sont peu fréquentés et les terres peu productives, c’est que l’activité de l’homme, sur ces bords où s’élevèrent les « cinq villes » de la Cyrénaïque, ne répond plus aux faveurs du climat et à la fertilité du sol ; si les campagnes et les villes ; semblent plongées dans une profonde léthargie, c’est le régime politique et religieux qu’il en faut accuser ; la nature, ici, est spontanément féconde. Les sommets élevés, comme le Zeus d’Homère, sont « assembleurs de nuages, » et, comme dans le mythe si poétique de Danaé, la nuée, lorsqu’elle vient rafraîchir le sein brûlant de ces terres sahariennes, laisse tomber une pluie d’or, génératrice de vie.

La côte, sèche, bordée d’une falaise crayeuse, blanchâtre, est redoutée des marins et peu hospitalière. Les Grecs de Théra, lorsqu’ils y abordèrent, au VIIe siècle avant notre ère, s’établirent d’abord dans une île et n’y trouvèrent pas les riches pâturages promis par l’oracle de Delphes ; après deux ans d’efforts inutiles, Battos, leur chef, alla porter ses plaintes au dieu ; mais Phébus, apparemment bien renseigné, lui reprocha son peu de foi et son manque d’énergie : « Tu veux, répondit la Pythie, connaître le pays, sans y être allé, mieux que moi qui y suis allé. » Les colons comprirent qu’ils avaient manqué de persévérance et qu’ils n’avaient pas su découvrir les trésors promis par l’oracle ; revenus en Afrique, ils s’installèrent, cette fois, sur le plateau, auprès d’une magnifique source jaillissante, que les Arabes, encore aujourd’hui, nomment « la Mère de la verdure, » et fondèrent Cyrène, qui fut la capitale de la Pentapole et resta, durant toute l’antiquité, l’une des plus prospères parmi les cités helléniques. Des croisemens avec les Libyens y donnèrent naissance à une race rustique, bien acclimatée, qui prit une part très active à la vie économique, politique, artistique et philosophique du monde gréco-romain. Les doctrines sceptiques et relâchées d’Aristippe et de l’école cynique naquirent dans la molle et douce