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elles cherchent plutôt à y échapper. Elles avaient bien accepté l’arbitrage du président Roosevelt, mais ce n’est pas la même chose. Le président Roosevelt est un chef d’État ; on aurait senti derrière sa sentence autre chose qu’une force morale ; enfin, l’Angleterre et l’Allemagne, sans parler de l’Italie, n’auraient pas été fâchées de l’engager avec elles dans une affaire où son impartialité l’aurait bien obligé de reconnaître au Venezuela quelques torts. C’est même pour tous ces motifs que le président Roosevelt a décliné l’honneur qu’on voulait lui faire, et a suggéré de s’adresser à la Cour de la Haye. Mais les puissances aiment mieux s’entendre directement entre elles à Washington : les inquiétudes de quelques-unes d’entre elles sont de nature à les y aider. De son côté, le président Castro a compris qu’il n’obtiendrait la levée du blocus que s’il donnait des gages réels de l’acquittement de ses dettes, et M. Bowen a fait connaître qu’il proposait une délégation de 30 p. 100 sur les douanes de la Guayra et de Puerto-Cabello, sans que ce nouvel engagement portât atteinte à ceux que le Venezuela avait déjà contractés.

Tout fait croire qu’on s’entendra, car tout le monde est excédé de la situation actuelle, et, quelque bonne contenance qu’ils fassent, les gouvernemens sentent bien qu’ils ne pourraient plus contenir longtemps l’explosion de l’opinion. Elle se tournerait contre l’Allemagne avec une violence dont les premiers symptômes sont déjà très significatifs. On compare volontiers, à Washington, et même à Caracas, les procédés de l’Angleterre à ceux de l’Allemagne, et la comparaison tourne au profit de la première, qui n’est certainement pas incapable de brutalité, — elle l’a montré de reste, — mais qui n’en commet qu’à bon escient, lorsque l’enjeu en vaut la peine, et non pas seulement pour s’exercer et s’entretenir la main. En Allemagne, on se demande si on a fait une bonne campagne : mais le premier soin à remplir est de réparer les avaries de la Panther.

FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIERE.