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l’instruction secrète que les souverains avaient approuvée. Lui et son chef d’état-major Diebitsch apaisèrent toutefois Blücher en lui donnant verbalement toutes les assurances qu’il demandait. Le général prussien accepta donc le commandement, mais à la condition expresse qu’il demeurât libre d’attaquer l’ennemi quand il le jugerait convenable. Barclay se chargea de faire connaître aux souverains les réserves de Blücher ; mais on ne sait s’il s’acquitta de sa mission, de façon à dissiper l’équivoque. En tout cas, si cette équivoque n’a nullement pesé sur les rapports de Blücher avec le grand quartier général, elle a pesé d’autre façon sur l’armée de Silésie.

Les instructions secrètes n’avaient pas été communiquées seulement à Blücher ; on les avait fait connaître également à l’un de ses chefs de corps, au chef du corps russe, qui formait, à lui seul, presque la moitié de l’armée de Blücher. Langeron était déjà, nous le savons, assez disposé à être un subordonné indocile. Il avait commandé des armées ; il partageait, quoique Français, le dépit des Russes, qui se plaignaient qu’aucune des armées ne fût commandée par un chef de leur nationalité. Comme tous les généraux russes, il ressentait comme une sorte de disgrâce d’être appelé à combattre loin des yeux de l’empereur Alexandre. En recevant communication des instructions secrètes du grand quartier général, il pût se croire, non sans raison, investi d’une sorte de mission de surveillance. De plus, il ne connut ni les réserves de Blücher, ni le compromis intervenu entre lui et Barclay de Tolli. Déjà porté naturellement à tempérer de mesure et de prudence les ordres du chef d’armée, il se crut, dans son insubordination répétée, le représentant de la volonté vraie des souverains contre les initiatives intempérantes de l’état-major silésien.

L’autorité de Blücher n’était pas beaucoup mieux assise sur ses autres corps d’armée. Sacken, le commandant du second corps d’armée russe, n’était point, non plus, fort maniable. Il s’entendit, dès le début, plus facilement, avec l’état-major de l’armée. Il n’en est pas moins vrai qu’il négligea plus d’une fois d’obéir aux ordres qu’il reçut, et qu’il se contenta parfois de transmettre à Gneisenau les refus d’obéissance de ses propres subordonnés.

Mais ce n’était pas tout ; ce n’était même pas le pire. Le plus hostile des chefs de corps n’était pas parmi les chefs russes : c’était le commandant du corps d’armée prussien. York était de longue date en état d’hostilité aiguë avec Gneisenau. Il