Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/769

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En tous cas, la crise de l’armée de Silésie atteignit son paroxysme au lendemain de l’échec de Goldberg.

Langeron se sentait soutenu au quartier général des souverains et n’en faisait qu’à sa tête. Le 23, il avait reçu assez mal les ordres et les aides de camp prussiens de Blücher. Le matin du 26, il déclara net qu’il n’obéirait pas, qu’il avait des instructions secrètes lui prescrivant de ménager son corps d’armée, et, s’adressant au lieutenant de Gerlach qui lui portait les ordres de Blücher, il ajoutait d’un ton dégagé, que les Prussiens semblent avoir gardé sur le cœur : « Votre général est un bon sabreur, mais voilà tout. Il nous faut de la prudence et vous m’avouerez que la prudence n’est pas la faute du général Gneisenau. »

Au corps prussien les conflits ne se dénouaient point sur ce ton d’aimable raillerie. Sa situation, le soir de la défaite de Goldberg, était lamentable. En pleine nuit, on vit arriver à Galgen les brigades prussiennes de Horn et de Hünerbein, puis les troupes qui avaient combattu à Goldberg et à Niederau, la brigade du prince de Mecklenburg et les bataillons de Goltz. Aux épreuves physiques qui s’accumulaient, s’ajoutaient cette fois le sentiment de la défaite et un commencement de désorganisation. Les troupes de la dernière brigade prussienne, la brigade Steinmetz, s’égarèrent dans l’obscurité. Elles se croisèrent avec les troupes russes du corps de Sacken. Une compagnie prussienne fraya son passage à coups de crosse à travers les bagages du corps russe. Deux bataillons de landwehrs, même le bataillon de grenadiers d’un vieux régiment, le régiment de la Prusse orientale, furent coupés et se perdirent. Les landwehrs silésiennes étaient à deux pas de leurs foyers. Elles quittèrent quelques jours le drapeau pour y rentrer. On vit les hommes retourner chez eux, comme avaient fait les volontaires de 92, et rejoindre, quelques jours après, leur régiment. En attendant, les effectifs s’effondraient. Après Goldberg, le 6e régiment de landwehr dut être fondu en un bataillon qui ne comptait plus que 920 hommes sur 2 200.

De l’aveu des Prussiens eux-mêmes, ce fut un instant critique, un de ceux où l’énergie morale faiblit, où l’on peut saisir les causes qui font la défaite ou qui font la victoire. Les reconnaissances prussiennes annonçaient que les Français se mettaient en marche de Liegnitz en deux colonnes. Et, de l’aveu de Schack, si c’eût été vrai, c’était la fin du corps d’York. Mais, hélas ! Les