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souverains Almohades, maîtres des deux côtés du détroit de Gibraltar, avaient besoin de flottes pour assurer les communications entre les deux parties de leurs Etats, ainsi que pour leurs expéditions dans la Méditerranée ; c’est la période de la marine organisée. Il y avait bien au Maroc, dès cette époque, quelques pirates ; mais ils opéraient en dehors de l’autorité des émirs berbères, qui parfois, au contraire, étaient obligés de leur donner la chasse : les descentes qu’ils opéraient sur les côtes d’Espagne, déjà au temps des Ommiades, relèvent plutôt de la razzia que de la guerre de course. Dans la seconde période, nous assistons à la revanche prise par l’Espagne et le Portugal sur leurs envahisseurs, qui est suivie de l’occupation par les chrétiens des principales villes maritimes du Maghreb-el-Aksa : c’est une période défensive pour le Maroc ; la guerre maritime se borne à des tentatives faites par les sultans Merinides pour secourir l’Espagne musulmane ; sur la côte atlantique, à la Mamora, au nord de Salé, un nid de pirates commence à être célèbre ; mais ce sont des pirates de tous pays, « et plus de chrétiens de toutes nations que de musulmans. » Enfin la troisième période de l’histoire maritime du Maroc, celle que nous nous proposons d’étudier et qui est de beaucoup la plus importante, commence après l’avènement des dynasties chérifiennes et la reprise par le Maroc de ses places maritimes ; deux événemens d’une importance capitale en marquent les débuts : la fondation de l’odjak d’Alger par les Turcs et le déplacement du commerce européen qui, à la suite des découvertes des navigateurs, abandonne de plus en plus le Levant pour se porter vers l’Occident ; le détroit de Gibraltar va devenir la grande voie commerciale. Cette période finit avec les corsaires marocains eux-mêmes qui disparaissent au XIXe siècle, plus de vingt ans avant ceux des régences barbaresques.

Deux villes sur les côtes du Maroc avaient échappé aux entreprises des Portugais et des Espagnols : Salé sur l’océan Atlantique, et Tétouan sur la Méditerranée ; elles furent le berceau des pirates marocains ; mais Tétouan n’atteignit jamais, pour les armemens en course, l’importance de Salé, qui fut, avec Tripoli, Tunis et Alger, la quatrième ville corsaire du Maghreb. Tétouan surveillé par Ceuta, qui restait à l’Espagne, avait surtout pour champ d’action la Méditerranée, tandis que les pirates de Salé, comme nous le verrons, opéraient le plus souvent sur « la mer océane. » Quant aux autres places maritimes que le Maroc venait