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L’abus de l’alcool entraîne à un degré plus ou moins marqué la déchéance morale du buveur. C’est un fait universellement admis aujourd’hui que la criminalité suit le mouvement de l’alcoolisme et grandit avec lui. Si la déchéance ne va pas jusqu’au crime, elle diminue l’homme dans son intelligence, dans sa moralité, dans son caractère. Nous n’avons pas à tracer le tableau de cette chute. Que signifie-t-elle sinon que l’alcoolisme est une sorte d’empoisonnement moral ?

L’alcool est aussi un poison manifeste pour l’organisation physique. — L’ivresse accidentelle présente bien tous les traits d’un empoisonnement passager. — Le second échelon, l’alcoolisme avéré est, sans conteste, une intoxication générale et durable qui ne laisse presque aucun organe parfaitement intact, tout en portant son effort principal sur le cerveau et sur le foie. — La troisième étape sur cette pente lamentable que descend le buveur, c’est l’alcoolisme chronique. — Les altérations matérielles atteignent tous les organes, les uns plus légèrement comme l’appareil digestif dont la lésion ne se manifeste que par les dyspepsies et la pituite ; les autres plus profondément comme le cerveau. C’est parce que le cerveau est frappé que l’on voit éclater le délire simple des buveurs, le délire avec tremblement (delirium tremens), la démence, la paralysie générale. Les altérations du système nerveux se traduisent encore par le tremblement des extrémités, par les paralysies symétriques et par la névrite multiple. La lésion caractéristique du foie est la cirrhose.

Quant aux affections intercurrentes auxquelles l’alcoolique est plus exposé que tout autre sujet, elles prennent chez lui une gravité spéciale. Elles revêtent habituellement la forme cérébrale. La tuberculose y trouve un terrain de choix. Ajoutons que les fous se recrutent chez les alcooliques dans la proportion de 20 pour 100 en moyenne. D’autre part, la postérité de ces malheureux est affectée de tares innombrables.


III

Les notions qui précèdent sur le rôle excitant de l’alcool et surtout sur son action toxique permettent d’aborder maintenant le problème de l’alcool-aliment. Il fallait savoir auparavant qu’en tant qu’excitant, l’alcool est extrêmement difficile à manier et à