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catholique à protestant anti-révolutionnaire ou de catholique à libéral imbu de l’esprit révolutionnaire, et inversement, on reporterait ses voix en cas de ballottage. Chaque parti ayant fait ses déclarations, on releva les points sur lesquels U n’y avait pas de divergence ; on résolut de faire front contre l’ennemi commun de la croyance commune, cet esprit révolutionnaire en quoi se résumait et se condensait tout le libéralisme, rose ou rouge ; et, à la suite du docteur Kuijper et de M. De Savornin-Lohman, leur théologien et leur juriste, les calvinistes sous le nom, relevé et renouvelé, de parti protestant anti révolutionnaire, opérèrent leur jonction avec les catholiques démocrates ou sociaux qui voulaient bien me suivre. L’alliance, officieuse à son origine, ne tarda pas à devenir officielle. Le résultat de cette action concertée fut, en effet, que nous obtînmes une majorité de dix voix (sur cent membres) dans la Seconde Chambre, et qu’en conséquence, sous la direction du baron Mackay, un cabinet prit le pouvoir, dont on dit que c’est un cabinet anti-révolutionnaire, mais où les catholiques ont plusieurs portefeuilles. »

C’est dans ces conditions que fut conclu ce Monster-Verhond qui, pour la seconde fois, après un interrègne libéral, rempli par les ministères Van Tienhoven-Tak van Poortvliet et Roëll-Van Houten, vient de ramener au gouvernement les anti-révolutionnaires, avec leur chef lui-même, et qui dure depuis lors, à travers tant d’épreuves, sans que sa stabilité ait été ébranlée. A la prompte conclusion et au long maintien du traité, a certainement et grandement contribué la vive estime que s’étaient vouée réciproquement le docteur Schaepman et le docteur Kuijper. Il se pouvait que la sincérité n’en exclût pas la clairvoyance et que la chaleur des sentimens s’accompagnât et dût s’accommoder de la liberté du jugement. Il se pouvait que le docteur Schaepman, dans l’intimité, reprochât au docteur Kuijper son goût pour les vastes programmes, et que le docteur Kuijper répliquât non moins amicalement : « Le docteur Schaepman ? c’est un poète ! » L’un et l’autre sentait et savait pourtant combien ils étaient nécessaires l’un à l’autre, et en quelque façon, étant donnée la situation des partis en Hollande, complémentaires l’un de l’autre. Au surplus, cette estime affectueuse et confiante, non seulement les amis politiques du docteur Schaepman la lui avaient vouée, mais ses adversaires mêmes ne la lui marchandaient pas. Au premier dîner où il m’invita, — un de ses dîners fameux de chez Van der Pijl, — se coudoyaient fraternellement, sous la paternité du bon docteur, M. De Savornin-Lohman, ministre de l’Intérieur et l’un des chefs des anti-révolutionnaires,