Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/929

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Van Houten, chef de l’un des groupes libéraux ; et je ne suis pas bien sûr que, ce soir-là, le chef des radicaux, M. Kerdijk, ne fût pas des nôtres ; nous eûmes, en tout cas, une autre occasion de nous rencontrer. Imaginez, en France, M. Méline, M. Clemenceau, et M. Jaurès, par exemple, assis à la table de M. l’abbé Lemire, et y devisant des affaires du jour ! — La grande affaire du jour était la maladie du Roi et la proclamation de la régence.

Je ne revis le docteur Schaepman qu’au mois de février 1894, lors de la discussion de la réforme électorale. Cette discussion n’était pas sans lui causer quelques embarras ou même quelques inquiétudes. Personnellement, il pensait qu’il y avait au moins une raison décisive d’étendre largement le droit de suffrage : et c’est qu’il est d’une sage politique de céder avec grâce ce que l’on se ferait arracher de force en résistant. Il y en avait, ajoutait-il, une autre raison meilleure encore, et c’est qu’au fond de tout ce débat, et derrière toutes ces questions, on retrouvait toujours une seule et même question, la question sociale. Catholique démocrate ou catholique social, il ne pouvait pas hésiter, et, dès lors que le droit de suffrage était susceptible de préparer des solutions justes, légales et pacifiques à la question sociale, il devait être pour le droit de suffrage. Mais il s’en fallait de beaucoup que tous les catholiques le suivissent ; et, d’autre part, du camp libéral, on insinuait, non sans fondement peut-être, que sa position dans l’Église et devant le clergé était compromise, difficile depuis la mort de son cousin, l’archevêque d’Utrecht, qui jusque-là avait couvert, sinon encouragé ou approuvé ses hardiesses. Il en était de même, disait-on, de sa position politique. « Une circonscription purement catholique n’élirait jamais le docteur Schaepman, excepté dans l’Over-Yssel, son pays natal, où il passe pour le plus grand homme qui ait existé depuis deux siècles ; » mais c’était sans doute quelque chose, d’être prophète en son pays ! Pour qu’il le fût davantage, avec plus d’éclat, et incontestablement aux yeux de tous, pour qu’il eût ailleurs, et au centre même de l’Église catholique, le point d’appui qui lui manquait en Hollande, le docteur Kuijper désirait, — est-ce commettre une indiscrétion que de le révéler maintenant ? — que le docteur Schaepman fût créé cardinal. « Éminence, » il ne le serait jamais ; mais plus tard, du moins, il fut « Monseigneur, » et ce titre le revêtit, dans la hiérarchie, d’une autorité extérieure égale à celle d’autres prêtres qui étaient loin d’avoir, dans la politique, son autorité personnelle.

À ce moment, en 1894, le docteur Schaepman refusait de signer le