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c’est le comité le plus modéré en apparence qui s’est jeté tout de suite dans l’action révolutionnaire, tandis que l’autre se réservait et désapprouvait le mouvement. Si elle a pu surprendre, cette résolution immédiate du comité Michaïlowski s’explique cependant. Ce comité est le moins nombreux et le moins bien organisé des deux, mais le mieux soutenu à Sofia. Il a pensé, sans doute, qu’il y avait intérêt pour lui à brusquer le mouvement afin d’en prendre la direction et de le conduire vers la solution qu’il préférait : mais il a compté sans la résistance des troupes ottomanes et sans l’hiver. La résistance des troupes ottomanes a été plus prompte et plus énergique que ne l’avait cru le général Zontchef, qui est revenu de son expédition personnellement fort éclopé. Enfin l’hiver, qui a été très rigoureux dans les Balkans, a jeté son manteau de neige sur toutes les passions en effervescence. Il a été convenu que cette première tentative n’était qu’une escarmouche, et que le combat sérieux serait livré au printemps. Le comité Sarafof marcherait alors, et les choses prendraient aussitôt une autre allure.

Il aurait fallu fermer les yeux et les oreilles pour ne pas voir et ne pas entendre ce qui se préparait. La diplomatie européenne les a, au contraire, très ouverts : on peut lui reprocher de manquer de résolution, mais non pas de perspicacité. Il est vrai que celle-ci sans celle-là ne sert pas à grand’chose. Le Livre Jaune est rempli des démarches fuites par les diverses puissances en vue d’un péril qui semblait à toutes imminent et redoutable. Notre gouvernement a émis des suggestions parfaitement sages. Celles des autres apparaissent plus confuses ; mais c’est peut-être parce que, dans un Livre Jaune, nous parlons principalement de nous, ce qui est d’autant plus naturel, que nous ne pouvons parler des autres qu’avec leur consentement, et qu’ils ne le donnent pas toujours. Quoi qu’il en soit, le Livre Jaune présente, à cet égard, des lacunes. Nous y voyons bien qu’à Saint-Pétersbourg, on pense la même chose que nous, et qu’à Vienne, on pense la même chose qu’à Saint-Pétersbourg : mais rien ne vaut les impressions directes, et nous serions bien aises de savoir, d’une manière ferme et concrète, ce que le gouvernement russe et le gouvernement austro-hongrois se proposent de faire.

On parle dans les journaux des vues communes qu’ils sont sur le point de faire connaître à Constantinople. Il s’agit certainement des réformes à opérer en Macédoine, et vraisemblablement ces réformes se rapprochent beaucoup de celles que nous avons suggérées nous-mêmes, sans les avoir inventées. « Les idées de M. Steeg, écrit le