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modeste ambassade auprès du Vatican, dont la suppression demeure, depuis trente ans, un des principaux articles du programme radical. Par là encore, l’anti-cléricalisme menace de porter à notre influence et à notre politique un coup peut-être irréparable ; car supprimer notre représentation diplomatique auprès du Saint-Siège, ce ne serait pas seulement mettre en péril le Concordat, et avec le Concordat la paix religieuse, ce serait abdiquer notre protectorat catholique, ou nous mettre dans l’impossibilité de l’exercer, — et cela au profit des puissances qui assiègent le Vatican de leurs égards.

Ce protectorat, miné sourdement par les uns, entamé ouvertement par les autres, Rome, en tant que cela dépend d’elle, nous l’a jusqu’ici maintenu et confirmé, en Extrême-Orient aussi bien qu’en Orient. A plusieurs reprises, sur les ordres du pape Léon XIII, la Propagande enjoignait aux missionnaires, spécialement aux religieux italiens, de recourir, en cas de besoin, à la protection de nos agens. En 1898 encore, lors du fastueux voyage de l’empereur Guillaume II en Terre-Sainte, quand le Kaiser évangélique, convoitant pour la nouvelle Allemagne et pour les Hohenzollern le lointain héritage des Conrad et des Barberousse, s’efforçait de se présenter à l’Orient en protecteur reconnu des chrétiens de toute confession et de tout rite, le pape Léon XIII conférait lui-même, en une lettre publique adressée au cardinal Langénieux, la sanction pontificale au protectorat de la France. En confirmant ainsi, à nouveau, de sa propre initiative, nos droits méconnus ou contestés, Léon XIII avait soin de rappeler, à la légèreté inconsciente de nos politiciens ou au mauvais vouloir de nos gouvernans, que, si la France entend garder ce privilège, la République en doit remplir loyalement les devoirs ; autrement, il serait malaisé à Rome de lui conserver, à l’encontre des prétentions des autres puissances, des prérogatives dont elle ne saurait plus faire usage.

Les catholiques étrangers, jaloux des privilèges que Rome persiste à nous conserver, se plaignent souvent de la trop grande condescendance du Saint-Siège envers nous, arguant des fautes de notre politique et de l’esprit anti-religieux de nos gouvernans, pour soutenir que la République française a perdu tout droit à représenter au dehors les intérêts catholiques dont elle fait si peu de cas chez elle. Au nord comme au sud des Alpes, les rigueurs des ministères français envers l’Église et envers le