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à ce titre déjà, dans le lot de Sa Majesté Apostolique, avant que le Congrès de Berlin lui en eût confié l’administration. Cette zone d’influence religieuse, elle prétend y faire rentrer toute l’Albanie, malgré nos relations anciennes avec les Mirdites ; elle cherche à l’étendre à la Macédoine, si bien que nous pourrions être par elle évincés de presque toute la péninsule balkanique, avant même que l’aigle des Habsbourg, repoussée d’Allemagne et d’Italie, ait osé prendre son vol vers Salonique et la mer Egée. Bien mieux, l’Autriche-Hongrie, comme héritière de Venise, a su se faire reconnaître le protectorat des Coptes d’Egypte en train de retourner à l’unité catholique. Si nous devions abandonner nos droits séculaires dans le Levant, peut-être réclamerait-elle notre succession, en vertu de ses anciens traités avec la Porte et de ses anciens services envers le Vatican. Quoi qu’elle aussi ait eu soin d’accroître ses établissemens de Jérusalem et qu’elle aussi prétende enlever ses ressortissans à notre protection, elle est, pour nous, à l’heure actuelle, une rivale moins active et moins redoutable que ses deux alliées de la Triple-Alliance. En dépit de quelques courtes velléités, l’Autriche-Hongrie n’a point de politique coloniale, elle n’a point de politique « mondiale ; » partant, si elle cherche à s’approprier quelques lambeaux de notre protectorat religieux, elle ne peut guère songer à nous le dérober tout entier.

Peut-être devrait-on dire qu’il en est ainsi, en réalité, de tous nos rivaux, y compris l’Italie et l’Allemagne. Aucun ne peut espérer s’emparer de notre succession tout entière, mais chacun d’eux se peut flatter d’en obtenir une part plus ou moins grande, selon sa taille et ses appétits, selon son habileté ou ses forces. Faut-il, quant à nous, nous en féliciter ? ou bien, au contraire, convient-il plutôt de nous en inquiéter davantage ? Le fait que chacun de nos rivaux ne peut guère convoiter qu’une part de cet antique héritage de la France leur rend l’entente, contre nous, plus aisée et ne nous menace pas moins de la perte prochaine de nos privilèges anciens. Grands ou petits, chacun des États qui comptent des sujets catholiques peut un jour revendiquer sa part des droits abandonnés ou compromis par nous, et l’Espagne vaincue, et le minuscule Portugal, et la petite et riche Belgique — jusqu’aux États protestans qui pourraient soulever les mêmes prétentions que l’Allemagne, jusqu’à l’Angleterre et à la Fédération américaine qui, par la conquête ou par l’immigration,