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Simone du Bellay et Hélène Fourré de Dampierre et de Madame du Lude, plus tard chanoinesse de Poussay en Lorraine, sous la surveillance de Mademoiselle Anne de Bourgogne, gouvernante, et de Mademoiselle Catherine d’Orville, sous-gouvernante.

Est-ce grâce à Henriette de France, ou grâce à M. Browne, ou par les relations qu’ils entretenaient avec le duc de Beaufort, que le comte et la comtesse de Kéroualle obtinrent pour leur fille cette situation si convoitée par tant de familles nobles. Nous l’ignorons. Le fait est que, d’un seul coup. Mademoiselle de Kéroualle ne se trouvait pas seulement tirée de son obscurité provinciale, mais encore jetée dans le tourbillon de la cour, et, si elle savait s’y prendre, en bonne posture pour faire sa fortune. Ce qu’était l’existence des filles d’honneur de Madame et de la Reine, tous les faiseurs de Mémoires nous l’ont conté à l’envi, et particulièrement Madame de La Fayette, historiographe fidèle des plaisirs de Madame. La mort de Mazarin avait été le signal d’une véritable folie d’intrigues et de plaisirs à laquelle la mort de la Reine mère avait enlevé les derniers freins. Quand Madame elle-même supportait d’être compromise par un comte de Guiche, que l’intrigue de la comtesse de Soissons avec le marquis de Vardes n’était un secret pour personne, que les plus nobles personnes du royaume affichaient publiquement les mœurs les plus relâchées, comment les filles d’honneur, attachées au service de ces belles dames, confidentes de leurs intrigues, compagnes de leurs promenades, de leurs soupers, de leurs jeux, de leurs travestissemens, n’eussent-elles pas suivi un exemple qui venait de si haut ? Grisées de leur élévation soudaine, entourées de ce qu’il y avait en France de plus noble, de plus brillant, de plus beau, de plus ardent à la joie, il leur eût fallu une vertu plus qu’humaine. Or elles n’étaient qu’humaines, très humaines le plus souvent : des six filles d’Anne d’Autriche elle-même, une seule ne fit point parler d’elle, qui était laide. Cette exception se renouvela rarement.

On se répétait volontiers qu’à Versailles il n’était point de charge plus difficile que celle de fille d’honneur ; et en vérité, les intrigues de Mesdemoiselles de Montalais et d’Artigny, l’aventure de Mademoiselle de Guerchy, séduite par le duc de Vitry et morte victime d’une avorteuse, ne permettaient point de donner tort aux médisans. Les filles d’honneur apparaissaient comme très