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et à Newmarket, monter à cheval et rouler carrosse ou passer les nuits dans l’orgie, selon la fantaisie du moment. Dans cet effort, la duchesse de Portsmouth est trahie par sa santé. En 1674, une maladie éloigne d’elle Charles II pendant quelques semaines. En avril 1676, elle a une fausse couche qui l’épuise pendant plusieurs semaines et dont elle est longue à se relever. Les eaux de Bath la remettent sur pied. Mais les railleries ne l’épargnent point et, bien qu’elle ait meilleur visage et espère se rétablir avec le repos, on note sa maigreur impitoyablement. Quand elle se heurte violemment à l’œil au point d’en être noire plusieurs jours, chacun la plaisante d’avoir voulu se faire les yeux sombres de la Mazarin. L’année suivante, elle paraît mieux. L’ambassadeur de France s’en réjouit. Sa santé a une valeur diplomatique : « Si elle continue à bien se porter, elle a une belle peau et je ne crois pas qu’on puisse être toujours auprès sans en avoir envie. » Mais voici qu’à la fin de 1677 elle tombe gravement malade et demeure six semaines au lit. Imagine-t-on que, dans cet état, elle entreprend, à l’article delà mort, de vouloir réformer la conduite de son amant ? C’est un éclat de rire général, et elle est obligée, à peine convalescente, d’aller disputer sa place à la comédie à sa rivale la plus redoutable, tandis que trois ou quatre autres se disputent d’avance sa succession.

C’est qu’autour d’elle c’était, sans relâche, la surveillance jalouse de toutes celles qui avaient eu part à la faveur du roi ou pouvaient aspirer à la conquérir. Seule, la reine lui savait gré du tact et du respect qu’elle apportait dans leurs relations et lui témoignait à chaque occasion une sympathie résignée, comme celle que Marie-Thérèse finissait par vouer à La Vallière. Mais la duchesse de Cleveland était aux aguets, demeurant attachée au roi par les quatre enfans qu’elle en avait eus, redoutable à cause des succès de sa fille, la comtesse de Sussex. Son fils est fait duc de Grafton en même temps que celui de Madame de Portsmouth reçoit le titre de duc de Richmond : seule, la complaisance du grand trésorier assure la préséance à ce dernier. Elle reçoit des dons et des pensions considérables, en une seule fois 10 000 livres sterling sur les douanes. Sa retraite en France la rendit moins à craindre. Peu de temps après son retour à Londres, la découverte de sa correspondance amoureuse avec Châtillon fut le signal de sa disgrâce définitive.

Plus encombrante est Nell Gwyn, la comédienne, l’ancienne