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il faut suivre le couloir naturel qui sépare les massifs du Rif de ceux de l’Atlas moyen. L’oued Innaouen, affluent de l’oued Sebou, et l’oued Msoun, affluent de la Moulouya, marquent, par les profondes coupures qu’ils ont creusées dans la montagne, la direction que toutes les armées de tous les temps ont suivie pour pénétrer dans les plaines atlantiques ou pour en sortir, la voie que prennent toutes les caravanes de commerçans et que ne saurait manquer d’emprunter, dans un avenir plus ou moins proche, le chemin de fer franco-marocain de Tlemcen à l’Atlantique par Marnia, Oudjda, Taza, Fez et Rbât. Là sont vraiment les portes du Maghreb-el-Aksa, et c’est Taza qui tient les clés. Taza, à trois journées de Fez et à cinq de Marnia, est bâtie à l’extrémité d’une presqu’île rocheuse « qui s’avance dans la plaine comme un cap[1], » et qui domine de 130 mètres le lit de l’oued Innaouen. Véritable oppidum, elle surplombe à pic, de trois côtés, les torrens et les magnifiques jardins qui l’entourent ; du côté du Sud-Est seulement, on y accède par une pente assez douce, à travers les vergers ; au Sud, elle est dominée par les contreforts du Djebel Tazekka (3 000 mètres) qui en rendraient la défense impossible contre un assaillant européen. De tout temps, une ville et une forteresse se sont élevées là, au carrefour des grandes voies commerciales qui conduisent, d’une part, vers Tlemcen et vers Fez, de l’autre, au Nord, vers Melilla et la Méditerranée, par l’oued Azrou et l’oued Quert, en quatre étapes, et, au Sud, en remontant les vallées, vers les pays du haut-Atlas et, plus loin, vers le Tafilelt. Cette admirable position stratégique et commerciale a fait la fortune de Taza ; elle était jadis l’une des sept grandes cités du Maghreb. Léon l’Africain vante sa splendeur ; Ali-bey, qui la vit au commencement du XIXe siècle, la décrit comme une ville prospère, riche, fière de ses superbes jardins, pleins de roses et de rossignols. Bien déchue aujourd’hui, Taza n’est plus que ruines et misère ; ses murailles croulantes ne renferment plus qu’une population peu nombreuse, et ses sanctuaires vénérés sont presque déserts ; tous ces malheurs sont dus au voisinage de la terrible tribu des

  1. Vicomte de Foucauld, Reconnaissance au Maroc (1883-84), 1 vol. gr. in-8o ; Challamel, 1888 (page 25). Voyez également, sur Taza, la description de M. de Segonzac ; Budgett-Meakin, The Land of the Moors, p. 348 ; Londres, Sonnenschein, 1901 ; la belle carte du Maroc de M. de Flotte-Roquevaire (Plon), et, du même auteur, Essai d’une carte hypsométrique du Maroc, avec une carte en couleurs, dans les Annales de Géographie du 15 juillet 1901.