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de l’Evangile selon saint Mathieu manifeste l’union des deux Testamens.

Le tableau qui suit, dans l’histoire du Christ, l’énigmatique représentation du vieux sacrifice purificatoire interrompt le parallélisme suivi jusque-là dans les deux récits opposés d’une paroi à l’autre. Quelle correspondance occulte peut-on songer à établir entre le tumulte des cavaliers et des hommes d’armes engloutis au passage de la Mer-Rouge et la vocation des apôtres, pêcheurs pacifiques agenouillés devant Jésus, au bord du lac de Tibériade ? Dans les trois derniers tableaux, comme dans les deux premiers, chaque épisode évangélique se retrouve en rapport exact avec un épisode biblique, soit par ressemblance, soit par contraste. Le sermon sur la montagne, où furent dénombrés, non point les crimes punis par Jéhovah, mais les béatitudes des humbles dont Dieu sera la récompense, vient remplacer, avec ses promesses et avec la prière nouvelle qu’il apprend au monde, les commandemens et les rites que Moïse avait été chercher au sommet d’une autre montagne. Cora, Dathan et Abiram ont été châtiés pour avoir voulu s’arroger une autorité que l’Eternel s’est réservé de départir : sur l’arc de triomphe qui se dresse derrière le groupe des prêtres rebelles, une inscription explique la loi qu’ils ont enfreinte : Nemo sibi assumat honorem, nisi vocatus a deo Aron. En face des usurpateurs, voici, au milieu de la calme assemblée des apôtres, le chef désigné par le Christ pour tenir sa place : Pierre, à genoux, reçoit les deux clefs d’or et d’argent. Dans les derniers tableaux qui s’opposent l’un à l’autre sur les parois latérales, le testament de Moïse a pour pendant la Cène, où furent prononcées les suprêmes paroles du Sauveur qui allait mourir. Avant les destructions accomplies au cours du XVIe siècle, le développement parallèle des deux Testamens se continuait au-dessus de l’autel et de l’entrée : la vie de Moïse et la vie du Christ se touchaient à leur commencement et à leur fin. Une Nativité se trouvait placée côte à côte avec le groupe des Egyptiennes penchées sur le berceau de Moïse, et l’enlèvement du patriarche mort, emporté par les anges, n’était séparé que par un pilastre en peinture de l’Ascension du Christ.

Ce chœur alterné, où la voix de l’ère nouvelle répond aux voix de l’âge biblique, offrait un sens assez plein et un enseignement assez large. Pourtant, le double cycle des fresques de la