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étaient rangés des médaillons des papes, analogues à ceux qui se sont conservés dans la nef de Saint-Paul hors les murs[1]. La basilique de Saint-Pierre possédait un pavement de marbres multicolores ; devant la confession du prince des Apôtres s’élevait un iconostase composé de colonnes torses que la tradition disait provenir du Temple de Salomon. La Sixtine, elle aussi, eut son tapis de mosaïque et sa cancellata de marbre. Tant de ressemblances ne peuvent laisser un doute sur le lien qui unit, par la continuité des traditions chrétiennes, la basilique constantinienne, restaurée dans le siècle de Charlemagne, et l’édifice élevé au flanc de cette basilique dans les plus brillantes années d’un siècle de jeunesse et de vie nouvelle. En présidant à la décoration sculptée et peinte de sa chapelle, Sixte IV eut sans cesse dans l’esprit, parmi les réminiscences de son érudition de docteur, l’image d’un monument réel et voisin : la basilique de Saint-Pierre


II

L’archaïsme des idées théologiques dont la décoration de la Chapelle Sixtine devait être l’expression monumentale n’a point pesé sur l’imagination des artistes. Les marbriers, qui ont composé la mosaïque du pavement d’après de vieilles traditions d’atelier et de famille, sont les seuls Romains qui travaillèrent dans la chapelle. L’architecte était un Florentin établi à Rome, Giovannino dei Dolci ; mais, ingénieur militaire plutôt qu’artiste, il n’avait pas suivi la voie ouverte aux architectes de palais par Brunelleschi. Lorsqu’il fut appelé à Rome pour élever la chapelle Sixtine, il venait d’achever pour le pape deux forteresses, à Ronciglione et à Cività-Vecchia.

Quant aux œuvres des sculpteurs et des peintres, elles ont toute la fraîcheur et la jeunesse de l’art nouveau dont Florence avait été le berceau. L’iconostase élevé sur le pavement aux combinaisons archaïques n’a gardé du moyen âge que son rôle de barrière dressée devant le sanctuaire. Sur les pilastres élancés montent des rameaux légers et des rinceaux grêles ; les plaques de la balustrade sont ornées de guirlandes et de trophées à l’antique,

  1. Ces derniers médaillons ont été repeints à neuf, après l’incendie de 1813.