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à dîner pour la semaine prochaine. Grand émoi dans le ministère. Il a demandé à dîner au prince Léopold et veut que lord Grey en soit, cela fera une autre alarme. Il montre en apparence la plus grande faveur, la plus grande confiance au duc de Wellington et il a dit à la duchesse de Cumberland qui lui demandait, il y a quelques jours, s’il lui avait donné audience ce même matin :

« — Dieu merci, non, madame ; je suis trop heureux de ne pas le voir ; je voudrais ne jamais le voir.

« Voilà ses propres termes. Il est d’une activité prodigieuse, amoureux de cérémonies, de réceptions, prodigue de sa personne en public, employant toute sa journée à de petites choses, voulant tout réformer à la fois. Enfin il a la fièvre. La populace l’adore ; il se montre à elle ; il a un air familier, cela suffit à John Bull. Le contraste avec les allures du feu roi est tout à l’avantage de celui-ci. Enfin c’est un nouveau monde que cette Angleterre, et Wellington me dit fort bien :

« — Ce n’est pas un nouveau règne, c’est une nouvelle dynastie.

« Je le soupçonne d’être fort aise de laisser le roi dépenser son temps à des bagatelles. Il n’en reste plus pour les affaires, et elles demeureront sous le contrôle exclusif du premier ministre. « 

La princesse ne se dissimule pas cependant les difficultés que va créer à Wellington le changement de règne. « Il est en apparence le maître comme il l’était sous le règne précédent. Mais, il n’y a personne qui pense qu’il puisse le demeurer, à moins qu’il ne change la composition du ministère. » Et tel est sans doute l’avis de Wellington, puisqu’il a fait des ouvertures à divers personnages et notamment à lord Melbourne, à lord Grey, à lord Palmerston, qui tous ont refusé ou mis à leur acceptation des conditions qu’il juge inadmissibles. Leurs réponses n’ont pas été du goût du maréchal et les négociations en sont restées là. « Je lui ai trouvé mauvais visage et l’air très rêveur. Nous voilà fort bien ensemble. Il était allé voir mes enfans à la campagne pendant mon absence. Cela demandait une petite politesse de ma part que je lui ai faite par écrit. Il est venu me voir hier, »

En cette même année (1830), l’activité intellectuelle de la princesse de Liéven trouve plus amplement que jamais à s’alimenter, vu la multiplicité des événemens qui troublent l’Europe et le caractère quasi tragique de quelques-uns d’entre eux. En