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Tours, ces relations entre des agens non accrédités et le délégué d’un pouvoir non reconnu présentaient (un caractère irrégulier qui nuisait à leur efficacité. La Délégation insista donc sur ce point par de nombreuses et pressantes dépêches, surtout à Londres et à Vienne. Nous n’attendions rien de la Russie, trop liée à la Prusse pour entrer dans cette voie ; mais l’Angleterre paraissait plus accessible, et son initiative eût vraisemblablement entraîné l’Autriche-Hongrie. Malheureusement ces deux Cours, peu disposées à une manifestation qui eût si fortement mécontenté l’Allemagne, avaient à leur service, pour s’y soustraire, un prétexte sérieux : le gouvernement de l’Hôtel de Ville, quoiqu’il fût, pour une œuvre transitoire, accepté et obéi par la France entière, manquait évidemment de sanction légale : « Nous n’hésiterons pas, disait M. de Beust, à reconnaître officiellement la République aussitôt qu’elle aura reçu la consécration d’un vote national. » Le Cabinet anglais nous répondait dans le même sens. Or, comme, à cette époque, pour des motifs que je n’ai pas à discuter ici, les élections avaient été ajournées, M. de Chaudordy dut renoncer à vaincre sur ce point la résistance des Cours et reporter son attention sur la demande d’une intervention diplomatique assez forte pour modérer quelque peu les ambitions de la Prusse.

Les échanges d’idées qui eurent lieu alors entre la Délégation et les Cabinets de Londres, Vienne et Rome démontrent que notre espoir n’était point chimérique. L’Angleterre, sans vouloir s’engager à fond, se demandait s’il était de bonne politique de laisser succomber une nation qui tient une si grande place dans l’histoire du monde, et si son intérêt aussi bien que sa dignité ne lui conseillaient pas une tentative pour atténuer le désastre et abréger au moins les épreuves sanglantes. L’Autriche, tout en se refusant à prendre les devans, comprenait combien lui serait funeste le triomphe absolu de son redoutable voisin, et, sans oser agir seule, se fût associée avec empressement à des démarches combinées : elle s’efforçait même par son langage de déterminer en ce sens un mouvement favorable à notre cause, qui était aussi la sienne. Son premier ministre, M. de Beust. déclarait, dans ses dépêches au prince de Metternich, que « la torpeur de l’Europe » serait « une faute regrettable ; » que les Puissances « avaient une belle tâche à accomplir en cherchant à mettre un terme aux calamités de la guerre ; » il indiquait « la