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le radicalisme pangermaniste avait, en ce pays, une puissance d’agitation dont les élections témoignaient ; et les nombreuses associations qui relevaient de ce parti réservaient aux pasteurs allemands un point d’appui naturel. Mais à peine le pacte fut-il conclu que les représentans de la Réforme rêvèrent de se faire, dans la Styrie slovène, les fourriers du radicalisme, comme les représentans du radicalisme se faisaient, en Bohême, les fourriers de la Réforme. En Styrie, l’idée pangermaniste était vivace : Gratz en était le foyer ; mais il lui manquait une organisation politique qui l’exprimât. Or les circonstances étaient propices, en 1899, pour secouer l’Allemand de Styrie.

Après avoir, jusqu’en 1848, traité le Slovène en esclave rural, l’Allemand se sentait menacé, toujours de plus proche, par ce peuple jeune dont l’émancipation économique brisait toute entrave ; et l’institution de quelques classes Slovènes au gymnase de Cilli marquait pour la race germanique le début d’une inévitable bousculade. Le demi-serf de l’avant-veille, devenu, dans les villes ou dans les « marchés, » un ouvrier de la grande industrie ou bien un négociant, recevait conseil et soutien à la Maison slovène, sorte de palais du peuple, qui atteste la nue propriété du Slovène sur la terre styrienne et brave l’usufruitier allemand ; il y trouvait caisse d’épargne, coopérative, salle de lecture, renseignemens, causeries ; il y voyait les leaders de la politique slovène. On se passait, de mains en mains, la lettre du jeune homme pauvre, qui donnait tant d’espérances et qui étudiait la peinture, là-bas, à Vienne, pour donner un art à sa nation ressuscitée. Cette joyeuse nouvelle qu’on colportait, c’était la faillite prochaine d’une maison de commerce allemande, ou l’ouverture imminente d’un établissement métallurgique slovène... On n’aurait plus à verser sa sueur pour le compte des industriels allemands ; à s’acoquiner avec ces ouvriers allemands qui profitaient, à Cilli, d’une fête slavophile pour assaillir la maison d’un patriote slovène, M. l’avocat Sernec, et pour s’en aller, ensuite, briser les carreaux de la Maison slovène et de MM. les vicaires Slovènes. Car ces Allemands, catholiques, jetaient le gant et jetaient des pierres au vicariat catholique ; l’accoutumance religieuse succombait sous la pression du dépit national, et la voix de la conscience abdiquait pour faire place à celle du sang. Le mot « querelles de clocher » prenait ici un réalisme empoignant : le clocher passait pour slovène ; les