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de tendre l’autre joue ; la pédagogie völkisch vantait dans l’« éducation nationale, » qui prendrait comme prototypes les vieux héros germains, une éducation d’autant plus opportune qu’elle serait vraiment conforme à l’état de nature ; la religion völkisch préférait l’adoration de Wotan, le dieu indigène, à celle du Christ, un intrus ; la liturgie völkisch, enfin, ressuscitait les pieux usages des antiques forêts, en rétablissant, aux solstices, les holocaustes au soleil, sur les cimes des montagnes. Certains maîtres d’école, épris d’archaïsme en fait de génuflexions et de sacrifices, étaient des wotanistes dévots et, dans un appel à leurs collègues, dénonçaient les pasteurs protestans comme les émissaires du vieil « esprit juif biblique, » avec lequel il en fallait finir, non moins qu’avec Rome.

« Les Allemands sont-ils des Juifs, écrivait-on de Gratz à M. le député Iro, pour que des versets de la Bible puissent échauffer leur religiosité ? » S’il était vrai d’ailleurs, — et M. Schœnerer l’attestait, — que les Germains fussent plus que des hommes, le Dieu du Pentateuque, en faisant élection d’un autre peuple, avait manqué de respect aux Germains. La Libre École Allemande interprétait ce privilège d’Israël comme une « déclaration de guerre immédiate » lancée par Dieu à la Germanie. L’heure des représailles avait sonné. Et des feuilles nouvelles se fondaient, l’Odin à Munich, le Scherer à Innsprück, usant de tous moyens, vers, prose, caricatures, cartes postales, pour engager le peuple allemand à rendre ses devoirs au soleil, et à replanter les « arbres de juillet, » sous lesquels jadis se réunissaient les ancêtres.

Les pasteurs venus d’Allemagne pour prêcher une foi nationale allemande trouvaient en face d’eux des âmes plus « nationales » encore que les leurs. « Lorsque nous parlons de foi nationale allemande, leur signifiait-on, nous ne désignons jamais cette foi chrétienne que la violence imposa au peuple allemand, mais la religion germanique indigène. » Réponse déconcertante, et malheureusement irréfutable : de quelques couleurs nationales, — nouveau manteau de dérision, — que le pangermanisme affublât le Christ, les pasteurs ne pouvaient nier que Wotan fût plus germanique encore. Piqués d’ailleurs par l’exemple des vieux-catholiques, qui bravement fondaient une revue deutsch-völkisch, ils ne se montrèrent point intransigeans. On entendit l’un d’entre eux déclarer qu’il n’avait pas d’objection contre les