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protestans ; et que par delà les vitraux des nouveaux temples on laissât apparaître à l’arrière-plan le vieil Olympe scandinave. La presse allemande réfuta M. Johanny en le qualifiant de « Judas protestant. »

Quelques semaines s’écoulèrent, et la philosophie religieuse qui dirigeait les propagandistes du Los von Rom fut soumise à une critique très pénétrante par M. le surintendant Witz-Oberlin. Lorsqu’on lit sa brochure après s’être plongé dans les publications religieuses du pangermanisme protestant, l’on reprend vraiment contact avec le christianisme. Ni la conception d’un dieu national, ni la canonisation chauviniste de Luther, ni ce « pharisaïsme » germanique qui prête à la race allemande un christianisme d’élite, ne trouvent grâce devant M. Witz. Pour lui, le dieu national n’est qu’une idole, et la maxime : « Un seul empire, un seul peuple, une seule foi, » a le tort de rappeler une antique devise, meurtrière des âmes : Cujus regio, ejus religio. Est-ce parce qu’Allemand, qu’on doit être fatalement protestant ? La résonance de la foi n’est-elle rien, la consonance du nom est-elle tout ? Ce protestant-né que serait l’Allemand doit-il, à son gré, entrer dans l’Eglise évangélique sans même avoir à dire : « Je crois ? » M. Witz s’inquiétait de ces dépravations de l’idée chrétienne et de l’idée d’Eglise.

A Tœplitz, à Eger, à Brunn, d’autres pasteurs s’inquiétaient comme lui : l’attitude de M. Krack, de Tœplitz, ouvertement hostile à M. Eisenkolb, fut très remarquée. L’émoi fut d’autant plus grand, parmi les agitateurs venus d’Allemagne, que le conseil suprême de l’Eglise (Oberkirchenrat) semblait, lui aussi, se prononcer contre eux. En février 1899, il émit une circulaire où l’on lisait : « De récens renseignemens laissent voir, sans nul doute, que les initiatives qui visent à une sortie en masse de l’Eglise catholique ne reposent pas sur une conviction religieuse. » La circulaire se poursuivait en invitant les pasteurs à examiner avec soin toute annonce de conversion, à éconduire tout nouveau venu qui ne leur serait point amené par un motif de foi, et à se rendre compte, enfin, si ces fidèles improvisés connaissaient suffisamment la doctrine de l’Eglise évangélique. Un second message était expédié, en avril, pour rappeler aux pasteurs l’esprit de leur vocation : le Conseil suprême leur défendait de prendre part, comme manifestans, à des meetings politiques.