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le soutenir, remplit surtout ses colonnes en rééditant les anciens bulletins de victoire ; et M. le vicaire Kinzenbach, de Braunau, vient de reconnaître, au Congrès de la Ligue évangélique, que l’heure des conversions en masse n’a pas sonné.

Rappelons-nous le début du mouvement : c’est précisément à des conversions en masse qu’on aspirait ; le discours de M. le vicaire Kinzenbach, encore qu’on n’y sente nul découragement, encore que l’orateur espère une lente et sûre diffusion de l’Evangile réformé, enregistre, en définitive, une sorte de renonciation.


X

Quelle qu’ait été, pour les premiers propagandistes du mouvement Los von Rom, la distance du rêve à la réalité, un fait subsiste : on a vu se détacher de l’Eglise romaine, avec cette indolence fatiguée qui précipite la chute des feuilles d’automne, un certain nombre de ses enfans. « Feuilles à demi mortes, disent certains, et qui faisaient assez peu d’honneur au vieux tronc romain ; » et cela est vraisemblable. — « Pour un fidèle qu’a perdu Rome, reprend un pasteur évangélique hostile au mouvement, cinq autres, qui étaient indifférens, se sont, par une réaction naturelle contre l’attaque, rattachés à leur Eglise avec une ferveur retrouvée ; » et cela peut-être est encore vrai. L’accident, tel quel et quand même, demeure pour l’Eglise catholique d’Autriche un symptôme et une leçon.

Montalembert, passant à Prague en 1833, écrivait à Lamennais : « Le catholicisme est tombé, en Bohême, dans un sommeil de mort : prêtres, moines, fidèles, tous dorment, sans se douter de ce qui se passe au dehors et de ce qui s’agite au sein même de la société où ils vivent[1]. » On ne se relève pas en un jour d’un sommeil de mort ; et l’Eglise de Bohême mérite cet éloge d’y avoir tâché, et d’y avoir en parti réussi. Le Culturkampf, en amenant un certain nombre de membres de la congrégation bénédictine de Beuron à chercher un asile dans l’hospitalière ville de Prague, a contribué, indirectement, au renouveau de la vie religieuse. Mais ce renouveau, qui est la besogne d’aujourd’hui et qui sera encore la besogne de demain, ne se peut accomplir que si les occupations du prêtre sont adaptées à sa vocation

  1. R. P. Lecanuet, Montalembert, I, p. 317. Paris, Poussielgue.