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(1683). L’accueil qu’elle lui fit fut de nature à exciter l’attention universelle.

« Il s’élève quelques nuages, écrit Barillon au roi le 17 juin, sur le sujet de M. le grand prieur et le roi laisse voir quelquefois de la mauvaise humeur et des soupçons, mais cela ne dure pas. » La prudence exigerait que Madame de Portsmouth priât son visiteur de retourner en France. Mais « ceux qui donneraient un tel conseil seraient assurés de déplaire et de n’être pas crus. » Les amis de la favorite s’inquiètent, tout en faisant grand accueil à son ami. Mais Charles II se résigne moins aisément à la destinée qui veut qu’aucune de ses maîtresses ne lui soit fidèle. Il manque d’énergie pour disgracier l’infidèle ou même pour se fâcher contre elle et lui exprimer en face ses volontés. C’est Sunderland qu’il charge d’aller défendre au grand prieur de se présenter chez la duchesse. Celui-ci obéit pendant quatre ou cinq jours et puis retourne chez elle. Alors le roi s’adresse à Barillon : qu’il invite en son nom le grand prieur à quitter sur-le-champ l’Angleterre ! Nouveau refus du galant qui déclare ne vouloir s’en aller que s’il en reçoit l’ordre de la bouche du roi lui-même. Malgré sa répugnance, Charles II se résout à le voir et à lui redire ses volontés. M. de Vendôme fait toujours la sourde oreille ; d’ailleurs ayant eu le malheur de déplaire à Louis XIV, il n’oserait retourner en France, Alors le roi perd patience et envoie M. Grafton, lieutenant de ses gardes, « dire à M. le grand prieur que s’il ne partait pas dans deux jours, il le ferait conduire par ses gardes en paquebot. »

M. de Vendôme essaya encore de tergiverser, faisant proposer au roi par Barillon, sur la prière de Madame de Portsmouth, de se retirer à la campagne, ou offrant de s’en aller moyennant qu’il lui fût permis de revenir quelque temps après. Mais le roi ne se laissa pas toucher et M. de Vendôme dut obéir. « Il partit hier à quatre heures du soir, » écrivit Barillon à Louis XIV, le 21 novembre 1683. Le crédit de la favorite avait obtenu que le complaisant monarque, tout en le renvoyant, intervînt en sa faveur auprès du roi de France, mal satisfait de sa conduite. « Monsieur mon frère, écrivait Charles II, véritablement peu rancuneux, vous trouverez peut-être étrange que dans le temps que le grand prieur a perdu le respect qu’il me devait et que je l’ai obligé de sortir d’Angleterre, je vous écrive en sa faveur,