Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/481

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pleinement approuvés, que ces inquiétudes n’étaient pas fondées ; « qu’il ne s’agissait pas de modifier le statu quo territorial ou d’organiser un régime nouveau au bénéfice d’une race ou au détriment des autres ; que l’élément hellénique, étant, au dire de son interlocuteur, le plus nombreux, devra bénéficier des réformes dans une mesure encore plus large que les autres, » etc. Nous ne sommes pas sûrs que l’élément grec soit le plus nombreux en Macédoine, et même nous ne le croyons pas ; mais le nombre, en pareil cas, n’est pas la seule mesure de l’intérêt qu’un élément ethnologique peut mériter, et les Grecs en ont toujours mérité beaucoup à nos yeux. M. d’Ormesson a eu raison de dire que « la France ne les oubliait pas, et leur savait gré de leur altitude pacifique. » Sans doute, les Slaves sont plus remuans aujourd’hui ; ce sont ceux qui font le plus parler d’eux. Mais ils ne peuvent rien, livrés à leurs seules forces ; ils ne deviendraient vraiment inquiétans et menaçans que s’ils étaient appuyés par la Russie, la grande patronne des peuples slaves. Le sont-ils, ou plutôt le seraient-ils s’ils s’engageaient dans quelque entreprise aventureuse ? Toute la question est là, et la manière dont elle est en ce moment résolue paraît de nature à calmer les appréhensions de la Grèce. Il n’y a donc qu’une chose à retenir de la confidence faite par M. Skouzés au comte d’Ormesson, à savoir qu’en cas de mouvement révolutionnaire dans les Balkans, les populations slaves ne seraient pas les seules à s’agiter. Nous nous en étions d’ailleurs douté, et c’est même une des grosses difficultés de la situation. On sait qu’il y a en Macédoine sept races différentes, et qu’à côté de ces différences de races il y a aussi des différences de religions. On devine par là ce que deviendra la Macédoine le jour de la grande révolution, toutes ces races ayant d’ailleurs le même but, qui est de s’emparer du pays tout entier. Aussi le Turc, malgré ses défauts, apparaît-il toujours comme l’élément pacificateur. A la vérité, il a les plus fâcheuses manières de pacifier, lorsqu’on le menace dans le principe de sa souveraineté : raison de plus pour se garder de lui fournir l’occasion de les appliquer.

Quant aux dispositions actuelles de la Russie, elles résultent clairement de l’ensemble de sa politique, mais elles sont exposées avec une clarté plus grande encore, s’il est possible, dans la note publiée le 25 février dernier dans le Messager officiel. On ne saurait en exagérer l’importance. Cette note fait brièvement l’historique de la question macédonienne dans ces derniers mois ; elle donne des renseignemens précieux sur la mission remplie, à Belgrade et à Sofia d’abord, puis à Vienne, par le comte Lamsdorf ; elle contient une analyse des réformes