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d’effet, et que cet effet soit dès maintenant assez sensible pour calmer les impatiences qui fermentent dans les Balkans. Ce qui nous permet d’espérer qu’il en sera ainsi, au moins pour le moment et sans préjuger l’avenir, c’est que toutes les Puissances sont évidemment sincères (dans leur désir de ne pas voir de complications révolutionnaires en Orient. La sincérité de la Russie et de l’Autriche n’est pas douteuse. La Russie est engagée dans de grandes affaires en Extrême-Orient : elle y a besoin de toute sa présence d’esprit et de toutes ses ressources. L’Autriche est naturellement conservatrice et pacifique, et ce n’est pas à l’âge de l’empereur François-Joseph qu’on se laisse volontiers entraîner dans des entreprises nouvelles, surtout lorsqu’on n’a pas toujours eu à se louer des anciennes. L’Allemagne a la main dans la main du Sultan. Ce pays ultra-réaliste a pensé que, s’il était généreux d’aller au secours des faibles, il y avait plus d’avantages à se mettre du côté des forts et à leur demander des courtages plus ou moins honnêtes. Nous ne parlons pas de la France : elle a des motifs bien connus de se tenir sur la réserve. Reste l’Angleterre. Elle aurait pu, dans d’autres circonstances, ne pas répugner à certaines complications orientales ; mais elle sort d’une guerre qui lui a été pénible et onéreuse ; elle discute en ce moment même des réformes militaires qui augmenteront encore, et très lourdement, le poids du fardeau qui pèse sur ses épaules ; enfin, l’organisation de l’Afrique australe absorbe une grande partie de son activité. Elle ne suscitera pas plus que les autres de complications en Orient. Alors, d’où pourraient-elle s’venir ? D’un coup de tête d’un État balkanique qui espérerait quand même, et malgré les protestations contraires, entraîner, quand le premier sang aurait coulé, la Russie avec lui. La Bulgarie seule pourrait être cet État, et le prince Ferdinand vient de montrer qu’elle ne le serait pas. La tranquillité des Balkans paraît donc assurée : et pourtant personne ne la regarde comme tout à fait certaine.


La Hollande est, en ce moment, en proie à une crise dont on ne saurait méconnaître ni l’intérêt, ni, malheureusement, la gravité. Des grèves inquiétantes s’y sont produites, et le gouvernement a pris pour en prévenir la récidive, ou pour en combattre les excès, des dispositions dont l’effet reste encore en suspens. La première de ces grèves a éclaté à Amsterdam au commencement de janvier dernier, et a duré jusqu’à la fin du mois. Les dockers, ou employés des docks, avaient émis subitement la prétention de ne travailler qu’avec les membres