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est, ajoutait-il, autrement de la France. Celle-ci forme un angle saillant dans l’Océan. La guerre de course lui est permise et lui peut donner de grands avantages. Les ports sont nombreux sur son littoral où ses croiseurs trouveraient asile. Les pointes du Finistère et du Cotentin semblent faites pour les jeter en plein Atlantique et pour les recueillir au retour. En outre, sur toutes les routes maritimes, à tous les points stratégiques des océans, la France occupe des situations incomparables : Bizerte, dans la Méditerranée ; Dackar sur le chemin du Cap et des Indes ; Diego Suarez dans l’océan Indien ; Saïgon dans l’extrême Asie. Elle peut, avec des navires rapides, suspendre la vie commerciale dans le monde entier.

Les opérations stratégiques de la flotte allemande, qui auront pour but d’obliger l’adversaire au combat, ne sont malheureusement pas connues. Cependant les écrivains militaires semblent en avoir laissé entrevoir quelques-unes. Il est évident, par exemple, que le canal Wilhelm, comme M. De Bismarck le prévoyait, permettra aux escadres de se concentrer rapidement en cas de guerre avec la Russie dans la Baltique, dans la mer du Nord, on cas de guerre avec les puissances occidentales. Si la Duplice et la Triplice devaient un jour mesurer leurs forces, on chercherait à empêcher la jonction des navires russes et des navires français et, de même que pour les armées de terre, on tacherait de les écraser successivement. Le continent semble n’avoir été percé qu’en vue de ce résultat. Au pis-aller, on s’efforcerait de bloquer les vaisseaux russes dans leurs ports tandis qu’on fermerait le Sund et le Grand Belt aux Français. Quant à l’Angleterre, dont au moins on reconnaît la supériorité numérique, on ne considère pas qu’il soit impossible de l’obliger à capituler. On compte que toutes ses forces navales seraient, au début des hostilités, éparpillées sur toutes les mers du globe et qu’avant qu’elle ait eu le temps de les réunir, on pourrait, sans désavantage, attaquer son escadre métropolitaine. L’hypothèse d’un débarquement sur ses côtes est même envisagée comme possible à réaliser : « La route est courte, dit von der Goltz, et doit être facilement franchie par un amiral entreprenant. » Quoi qu’il en soit, on peut tenir pour certain que l’action de la flotte sera rapide et qu’elle étonnera l’Europe par son audace.

Sur la tactique pendant le combat, il est à peu près impossible d’avoir des renseignemens précis. Les manœuvres sont