Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/599

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’où provient quelque perte d’énergie. Pour ne pas augmenter leur épaisseur, ce qui offusquerait les regards, et maintenir cependant, sur toute la ligne, une « tension » égale, on alimente ces fils au moyen de câbles de fort diamètre, — les « feeders, » — qui, reliés à eux de distance en distance, leur envoient directement, de l’usine centrale, un renfort d’électricité. Un procédé identique est en usage sur tout le parcours du chemin de fer Métropolitain.

Un autre système, dit « à archet, » remplace le roulement du trolley emmanché sur une tige, par le glissement d’un cadre de métal frottant le fil électrique comme l’archet de crin frotte la corde du violon. L’usure est plus grande ; mais on a moins de poteaux et de haubans tondeurs, parce qu’on n’a pas besoin de suivre des lignes courbes et que l’on peut mettre le fil parallèle aux voies et non pas nécessairement au-dessus d’elles.

Les deux moteurs, de 20 à 25 chevaux, que possède chaque voiture et qui actionnent les essieux, directement ou par l’intermédiaire de bielles, de chaînes et d’engrenages, sont en général plus puissans que n’exigerait la marche en terrain plat, afin de conserver la vitesse normale dans les parties accidentées et de faciliter les démarrages. Ils sont de types et de prix variés. Le coût de la voie ferrée diffère aussi, comme pour les tramways à chevaux, selon le poids des rails, et selon que leurs traverses reposent sur un lit de béton ou sur du sable, avec ou sans garniture de pavés, vieux ou neufs. Mais l’ « équipement » électrique de ce mode de traction, avec son matériel très simple de fils, d’isolateurs et de poteaux-consoles, tous les quarante mètres, ne revient pas à plus de 20 000 francs par kilomètre.

Le trolley, si serviable, si accommodant, a tout pour plaire ; il n’a contre lui que sa laideur. Aux yeux du Parisien, c’est quelque chose. Paris sait souffrir pour être beau. Le Parisien voyage en province, à l’étranger ; il voit de grandes, et même de petites villes, beaucoup mieux desservies que la sienne et il n’est pas fâché d’avoir un accès facile dans les véhicules publics de ces cités favorisées. Puis il rentre chez lui, retrouve les omnibus complets et rares, et ne souille mot, parce que sa fierté secrète est chatouillée de l’idée que sa capitale est vraiment la plus imposante de toutes, la plus plaisante à la vue, et que la déparer en quelque point serait un crime de lèse-humanité. Il est bien plus sensible à sa magnificence qu’à sa commodité ; pour l’embellir, il n’est rien qu’il ne fasse.