Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/687

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

extrêmes n’était donc pas imposer aux porteurs des billets de la Banque de Russie un sacrifice. L’Autriche a fait un raisonnement analogue, et elle a pu le faire d’autant mieux que, si la Russie avait vécu jadis sous un régime bimétalliste, elle, au contraire, avait, par actes du 19 septembre 1857 et du 27 avril 1858, formellement institué l’étalon d’argent : elle ne devait donc, en droit strict, aux porteurs de ses billets qu’un poids d’argent d’environ 11 grammes, c’est-à-dire 92 centimes. En leur payant 2 fr. 10r elle a justifié la confiance qu’ils lui témoignaient depuis longtemps en maintenant au billet une valeur bien supérieure à celle du métal qu’il représentait.

D’une façon générale, les pays qui cherchent à se débarrasser du fléau du cours forcé n’hésitent pas à adopter l’étalon d’or. Il n’en est pas qui, en remboursant des billets inconvertibles, songent à offrir pour cet objet du métal blanc, ou à instituer un régime bimétalliste qui amènerait le chaos là où il s’agit de faire régner l’ordre.

La plus grande difficulté à résoudre se présente dans la troisième catégorie, celle des États qui vivent aujourd’hui sous le régime de l’étalon d’argent. Ce régime, en soi, n’est nullement contraire à la théorie de l’économie politique, puisqu’il répond au desideratum primordial de celle-ci, l’unité de mesure ; mais il a été condamné en fait par la majorité du genre humain, ou tout au moins de l’univers civilisé, qui a adopté pour monnaie le métal jaune et force ainsi toutes les communautés qui veulent s’éviter des difficultés et une gêne considérables pour leurs transactions à suivre le même exemple. Nous avons vu plus haut comment deux des plus importans empires asiatiques, le Japon et les Indes, avaient accompli cette réforme capitale. Le premier a passé, sans transition, d’un régime moitié bimétalliste, moitié de cours forcé, à celui de l’étalon d’or. Les Indes, tout en procédant plus lentement, sont entrées dans une voie qui les mène au même résultat : nous avons rappelé quel chemin elles ont parcouru en moins de sept années. Le premier pas, déjà décisif, a été fait en 1893, lorsque la suspension de la libre frappe de la roupie d’argent a été décrétée. C’est ainsi, en effet, qu’il est nécessaire d’inaugurer l’évolution : dès l’heure où chacun ne peut plus faire librement transformer le lingot en monnaie, le métal est déchu de la principale partie de sa puissance ; mais, d’autre pari, les pièces antérieurement frappées el revêtues de l’empreinte