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et à mesure de la dépréciation de la monnaie indigène, cette dépréciation finit par se traduire dans les prix de toutes choses. Aujourd’hui surtout que les communications des pays, des continens les uns avec les autres se multiplient, que l’univers forme un tout dont les diverses parties sont unies entre elles par des liens plus ou moins puissans, mais dont aucune n’est entièrement indépendante des autres, il est impossible qu’au bout d’un certain temps, la dévaluation d’une monnaie ne porte pas ses fruits, c’est-à-dire ne fasse pas renchérir la vie. Ceux qui s’imaginent qu’à l’aide d’une même quantité de monnaie dépréciée on peut acquérir indéfiniment les mêmes quantités d’objets ou de vivres, qu’on échangerait ensuite contre une quantité également fixe de bonne monnaie, se trompent étrangement. Tout au plus est-il permis de soutenir qu’il faut un temps assez long pour que les conséquences se fassent sentir dans toutes les directions : mais le résultat final est certain. Dès lors, aucun pays n’a, à la longue, d’avantage à rester sous un régime monétaire dont l’étalon est instable.

Ce point étant acquis, nous devons nous demander quel remède il convient d’apporter. L’exemple que nous avons cité de l’Inde paraît fort bien s’appliquer à l’Indo-Chine : le continent est le même ; les populations semblables ; les rapports des colonies avec la mère patrie ont de nombreuses analogies. Pourquoi donc ne pas profiter de l’expérience acquise par nos voisins et ne pas nous inspirer de leur exemple, en apportant les modifications et les tempéramens nécessaires ? Notre piastre devra être traitée comme l’a été la roupie ; nous disons notre piastre avec intention, car il n’y a aucune raison de conserver la piastre mexicaine comme instrument d’échange sur territoire français et de laisser notre circulation sous la dépendance des actes d’un gouvernement étranger, qui pourrait faire subir à cette monnaie telles transformations que nous devrions subir sans être à même de nous y opposer. La première mesure à prendre serait de supprimer le droit qui frappe ces piastres à leur sortie de l’Indo-Chine, et peut-être d’imposer un droit à l’entrée. La frappe libre de notre piastre devrait ensuite cesser, sauf pour le gouvernement, à qui il faudrait laisser la faculté d’alimenter, on cas de besoin, la circulation, surtout après que celle-ci aurait été appauvrie par l’exode des pièces mexicaines. En troisième lieu, il conviendrait de donner à la piastre française une valeur fixe par