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Il a été fort mal accueilli par la majorité, fort maltraité même. On lui a fait sentir qu’il avait commis un acte d’indiscipline très grave. S’il ne s’agissait que de sa personne, nous ne relèverions pas l’incident ; mais c’est toute une politique qui était en cause, celle de M. Waldeck-Rousseau, si populaire il y a un an à peine et aujourd’hui conspuée. Nous sommes déjà loin du jour où, après les élections dernières, M. Combes succédait à M. Waldeck-Rousseau en disciple modeste en apparence et docile. Il s’est rapidement émancipé ; il a donné au mouvement déjà imprimé à nos affaires par son prédécesseur une accélération inattendue de ce dernier ; il a dénaturé la loi de 1901 au point de la rendre méconnaissable ; enfin, il a excité à un tel point sa majorité qu’elle a failli faire un mauvais parti à M. Leygues. Un pareil fait se passe de commentaires : il permet de mesurer le chemin parcouru depuis une dizaine de mois. Nous allons d’ailleurs en indiquer quelques étapes.

Si nous le disons, ce n’est pas pour diminuer sa responsabilité, mais nous sommes convaincus que M. Waldeck-Rousseau n’entendait pas tirer de la loi de 1901 toutes les conséquences qu’on en fait sortir aujourd’hui. Il croyait, à tort ou à raison, que les congrégations religieuses avaient pris depuis quelques années un développement excessif ; qu’elles tenaient trop de place à côté du clergé séculier et à ses dépens ; et que, dès lors, sans couper l’arbre à son tronc ou en arracher toutes les racines, il convenait de l’émonder. Des imprudences ayant été commises sur le terrain politique et électoral, M. Waldeck-Rousseau croyait avoir des représailles à exercer. Ce n’était pas la meilleure de ses inspirations, ni la plus noble, mais on comprend qu’il y ait cédé dans une certaine mesure. Il se proposait donc de supprimer un certain nombre d’établissemens congréganistes et même de congrégations. Que devait-il faire pour atteindre le but ? Nous avons avec le Pape un Concordat qui nous permet de régler avec lui nos affaires ecclésiastiques ; il fallait par conséquent s’adresser au Pape. Léon XIII est un politique habile et sage ; il nous a donné à diverses reprises des preuves manifestes de son bon vouloir ; il ne se serait pas refusé, si le gouvernement de la République avait voulu mettre à son œuvre des limites raisonnables, à y collaborer avec lui, ce qui aurait enlevé à cette œuvre son côté brutal et odieux, et aurait permis de l’accomplir sans que personne, même parmi les catholiques, eût pu faire entendre une protestation autorisée.

Pourquoi n’a-t-on pas procédé ainsi ? Pour deux motifs, dont l’un est certain et l’autre probable. Le premier est que les radicaux