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Mais, auparavant, il faut dire un mot de certaines réticences d’un caractère mystérieux et sibyllin qui se sont produites dans les discours du gouvernement et de la commission. M. Combes a donné à entendre à plusieurs reprises que, lorsque la loi serait votée, elle ne serait pas intégralement appliquée. Il a dit à la Chambre quelque chose qui ressemblait à ceci : « Commencez par supprimer en principe toutes les congrégations ; puis, si quelques-unes d’entre elles ont de nouvelles demandes à faire au sujet de leurs établissemens les plus dignes d’intérêt, de ceux par exemple qui sont à l’étranger, nous aviserons. En tout cas, je demande à la Chambre de ne pas juger mon œuvre trop vite, et de me laisser le temps de la terminer avec les ménagemens qu’elle comporte. Ce ne sera pas avant six mois. »

Nous avouons ne pas bien comprendre ce langage. La loi est la loi ; il aurait mieux valu ne pas la faire, si on ne doit pas l’exécuter. Mais, après l’avoir faite, si on ne l’exécute pas, ce sera une façon de reconnaître qu’elle est mauvaise. Il y aura, sans doute, quelque chose de piquant avoir M. Combes prendre le premier des libertés avec elle et donner ainsi un exemple qui pourra plus tard être suivi par d’autres. Mais il est regrettable que la Chambre se soit contentée de paroles aussi vagues, et n’ait pas demandé à M. le président du Conseil de préciser un peu plus sa pensée. On aurait aimé à savoir ce qu’il a l’intention de faire, et on nous renvoie à six mois pour savoir ce qu’il aura fait. Qui sait ? Peut-être n’y a-t-il là pour lui qu’un moyen de prolonger d’autant son existence ministérielle, car c’est à quoi il s’entend fort bien. Nous avons dit bien souvent déjà que le sort de son ministère était lié à celui de la loi sur les congrégations, personne n’ayant envie de prendre sa succession avant qu’il l’ait purgée de cette question encombrante. Mais voilà qui est fini ; la loi est votée définitivement ; on pourrait croire que M. Combes a perdu sa raison d’être et que la solidité de son ministère va s’en ressentir. Point du tout ! Il choisit ce moment pour expliquer que la loi est peu de chose, que son exécution est tout, et qu’il lui faut un semestre pour y procéder. Du coup, il est consolidé. Et nous allons voir qu’il trouvera, ou plutôt qu’il a déjà trouvé un autre moyen de se perpétuer plus longtemps encore. Il s’apprête à contracter un second bail avec la majorité en donnant un abîment nouveau à ses passions. Il avait commencé par dire qu’il n’en voulait qu’aux congrégations religieuses, et qu’il respecterait la situation du clergé séculier telle qu’elle résultait du Concordat, dont il était partisan : or son dernier discours au Sénat a mis en cause, et presque en échec, le Concordat lui-même. C’est là, si on nous