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commun[1]. » En effet, le manifeste du Roi n’était pas seulement un appel au patriotisme germanique contre l’Autriche, il contenait un avertissement très significatif à la France : « Dans mon peuple vit l’esprit de 1813. Qui nous enlèvera un pouce de terrain du territoire prussien si nous sommes fermement résolus à sauvegarder les acquisitions de nos pères ? si roi et peuple, unis plus solidement que jamais par les dangers de la patrie, considèrent comme leur premier et plus sacré devoir de donner leur bien et leur sang pour son honneur ? Nos adversaires se trompent quand ils croient la Prusse paralysée par des dissidences intérieures. Vis-à-vis de l’ennemi, elle est une et forte ; vis-à-vis de l’ennemi, ce qui était opposé se concilie, pour rester désormais uni dans la bonne et la mauvaise fortune. Ce n’est pas à moi la faute si mon peuple est obligé de soutenir une lutte difficile, et peut-être de supporter de dures épreuves. J’ai tout fait pour épargner à la Prusse les charges et les sacrifices d’une guerre ! Mon peuple le sait ; Dieu le sait aussi, lui qui sonde les cœurs ! »

Arrivé à ce point du récit, l’éminent historien Chiala est saisi d’un noble scrupule de vérité : « C’était bon à soutenir avant la guerre, dit-il ; mais maintenant, il faut le reconnaître, les provocateurs furent nous, l’Italie et la Prusse[2]. » Dès avril, Eugène Forcade, exprimait la même opinion[3] : « La provocation calculée, opiniâtre vient de la Prusse ; le rôle de l’agression morale appartient uniquement à M. De Bismarck. Si la conclusion de cette discussion devait être une prise d’armes, l’Autriche « aurait beau commencer les hostilités, c’est le gouvernement prussien qui aurait été moralement le véritable agresseur. »

Bismarck est encore plus étourdissant que son roi : « La responsabilité de la guerre retombera sur ceux qui par leur hostilité auront créé cette situation et qui auront repoussé au dernier moment la main que la Prusse leur tendait. Nous pouvons en appeler avec une conscience tranquille au jugement des hommes d’État impartiaux pour décider de quel côté il a été fait preuve de conciliation et d’amour de la paix jusqu’au dernier moment. » Quels autres en effet que des calomniateurs peuvent se permettre

  1. Rapport de Clermont-Tonnerre, notre attaché militaire à Merlin. 20 juin 1866.
  2. Preliminari della guerra del 1866, t. I, p. 233.
  3. Revue des Deux Mondes, 1er avril 1866.