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l’autre. Mais le Duc de Bourgogne craignait que, laissé à lui-même, Vendôme n’engageât quelque offensive imprudente, c Si le Roi prend le parti d’envoyer M. De Vendosme du costé du canal, écrivait-il à Chamillart, vous sçavez la conséquence dont il est qu’il ait des ordres positifs de s’en tenir à la déffensive[1]. »

Les mesures sur lesquelles comptait Vendôme consistaient à rompre les digues du canal de Nieuport et à inonder le pays, de façon à couper les communications des ennemis avec la mer. Mais ce plan ne réussissait qu’à moitié. Les eaux ne couvraient pas toute la contrée, et Marlborough, en chargeant les charrettes qui étaient garnies de vivres et de muni lion s’sur des bateaux plats, leur faisait rejoindre les routes restées libres par où elles pouvaient gagner Lille. « Je croys qu’à la fin, Monsieur, je deviendrai fol de tout ce que je voys, » écrit Vendôme à Chamillart. Il a pris « les meilleures mesures du monde, » pour empêcher les ennemis de rien tirer d’Ostende ; mais ils mettent leurs mu ni lions de guerre sur des petits bateaux et leur font traverser l’inondation. Aussi va-t-il établir une petite flotte sur la nouvelles inondation, « de sorte que, désormais, les ennemis ne tireront pas un baril de poudre, sans donner une bataille navale. » « Si après cela il passe des bateaux, ajoute-t-il, j’en serai bien étonné[2]. »

Les bateaux continuaient à passer cependant, ceux que Vendôme avait fait armer ayant un tirant d’eau trop fort pour tenir l’inondation. Vendôme se décidait alors à employer des moyens plus vigoureux. Il proposait au Duc de Bourgogne de profiter de ce que Marlborough avait séparé son armée de celle du prince Eugène et s’était rapproché de Gand pour l’attaquer seul, et il demandait l’envoi de renforts. Mais le Duc de Bourgogne, jugeant cette attaque isolée « téméraire et capable de perdre l’armée, » proposait au contraire à Vendôme de se joindre à lui et de marcher à Marlborough avec toutes leurs forces réunies. Ce fut le tour de Vendôme de s’y opposer et de déclarer le projet « impraticable ; » de sorte que, le projet Vendôme étant jugé téméraire par le Duc de Bourgogne, et le projet du Duc de Bourgogne étant jugé impraticable par Vendôme, quelques

  1. Dépôt de la Guerre, 2 083. Vendôme au Roi, 30 sept. 1708. Le Duc de Bourgogne à Chamillart, 1er oct. 1708.
  2. Ibid., 2 083. Vendôme à Chaniillarl, 13 et 14 oct. 1708.