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crois faire en tout ce que je dois et qui est du bien du service. Si on le trouve autrement, je me flatte du moins que l’on croira toujours que mon intention est la meilleure : tout ce que je demande, c’est qu’on ne se presse pas de juger et de condamner. » Il est impossible aussi de ne pas admirer la générosité avec laquelle il se refuse à faire usage, contre Vendôme, des armes que celui-ci aurait pu lui fournir par ses mœurs. A Beauvilliers qui, l’on peut du moins le supposer, l’exhortait à ne point ménager celui qui en dessous le ménageait si peu, il répond : « Je ne sais rien de particulier sur les deux terribles chapitres que vous m’avez marqués. Je m’informerai par des gens sûrs, si je le puis, de la vérité, mais je ne sais s’il en faudra parler, n’ayant nulle liaison avec le reste. » Du reste toujours même préoccupation de se corriger de ses défauts, même humilité, même résignation à la volonté de Dieu. « Je suis bien honteux de recevoir aussi mal que je le fais toutes les grâces dont Dieu me prévient ; elles doivent me piquer d’honneur, moyennant son secours, pour me ramener et me rendre plus fidèle et plus fervent dans son service à l’avenir ; » et, dans une autre lettre : « De quelque manière que les choses tournent, il faut toujours avoir recours à Dieu, et le remercier de tout[1]. » Nous n’avons point malheureusement les lettres de Beauvilliers auxquelles le Duc de Bourgogne répondait en termes si chrétiens. Par ces réponses mêmes on devine cependant que l’ancien gouverneur ne laissait pas que d’informer son élève des attaques dirigées contre lui. Mais soit qu’il l’aimât trop pour lui causer de la peine, soit que, de l’homme de cour au prince, la liberté ne fût pas assez grande, on devine qu’il le faisait avec timidité et réserve. L’accent n’y était pas.

L’accent est, au contraire, dans les admirables lettres, bien connues du reste, que Fénelon adressait au Duc de Bourgogne, durant cette triste période. Elles font le plus grand honneur au prêtre sous la robe duquel on sent vibrer l’honneur du gentilhomme ; mais les réponses n’en font pas moins au Duc de Bourgogne par la douceur avec laquelle il accepte des remontrances, parfois assez rudes dans la forme, et par la bonne (volonté qu’il montre à en profiter.

C’était le Duc de Bourgogne lui-même qui avait sollicité ces

  1. Le Duc de Bourgogne, etc., pp. 297-291-285-293.