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plus prompts et plus décens » ils lui fermaient la bouche. Lui-même avoue que « se sentant à bout, du triomphe de la cabale ennemie de Mgr le Duc de Bourgogne » il ne respiroit que l’éloignement de la Cour, et qu’il se retira dans son château de la Ferté. Il ne restait pour le défendre que la Duchesse de Bourgogne, « infatigable et pleine de force et de bons conseils[1], » et aussi Mme de Maintenon. Sa correspondance avec la princesse des Ursins est pathétique. Quand la nouvelle du passage de l’Escaut arrive à la Cour, elle éclate : « Vous apprendrez par cet ordinaire, lui écrit-elle, que notre armée ne s’est point démentie, et qu’ayant évité l’ennemi tout l’été, elle l’a laissé passer l’Escaut, sans qu’il ait trouvé un homme pour le défendre. C’est une conduite si extraordinaire qu’on se pendrait, si on ne regardait cet événement comme venant de Dieu, qui veut éprouver l’orgueil de nos Rois et n baisser l’orgueil de la nation française. » Et elle continue, peignant avec vivacité l’état de la Cour : « Je sèche, Madame, de l’état des affaires et de celui de Madame la Duchesse de Bourgogne ; elle verse bien des larmes et ce sont des larmes de courage et d’une véritable amitié, sans les mélanger d’aucune faiblesse. Elle voit un déchaînement contre Monsieur son mari, qui ne se peut pas comprendre. On se prend à lui de tous nos malheurs et il n’a pas décidé une seule fois. J’ai déjà eu l’honneur de vous mander qu’il a cru le maréchal de Berwick, comme le Roi l’avait ordonné. Il n’y a pas eu la moindre dispute entre notre prince et M. De Vendôme, depuis qu’ils sont seuls ; et cependant c’est, la faute de M. le Duc de Bourgogne de ce que l’Escaut est passé. Quand on manda à M. De Vendôme que l’ennemi passait, il répondit que ce n’était pas vrai ; il se mit en chemin pour s’y opposer et trouva que tout était fini. »

La Duchesse de Bourbon, au contraire, triomphait. Elle se répandait non seulement en propos, mais en couplets dont la grossièreté le disputait à l’injure contre celui qu’elle appelait le Bourguignon :


Qui l’aurait cru qu’en diligence
En France
Revint le Bourguignon,
Tremblant au seul bruit du canon
Et de frayeur vuidant sa panse.
  1. Saint-Simon. Édition Boislisle, t. XVI, p. 336.