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la manière dont elle est appliquée. Il en sera de la loi Waldeck-Rousseau comme des autres ; et, quelque adversaire que nous soyons, par principes, de semblables lois d’exception, nous reconnaissons volontiers que, si elle était appliquée avec un esprit de tolérance et de liberté, les conséquences fâcheuses en seraient singulièrement atténuées. Ce que nous demandons ici au gouvernement et au parlement, ce n’est même pas que la loi soit entendue et interprétée dans un véritable esprit libéral ; cela, le ministère Combes et les votes récens des Chambres nous ont trop bien signifié que nous n’y pouvons plus compter. Ce que nous osons humblement demander, c’est que, dans l’application de la loi, le législateur et l’administration veuillent bien songer aux intérêts généraux de la France ; c’est que, lors de l’examen des demandes d’autorisation déposées par les congrégations, le gouvernement et le parlement aient le courage de s’élever au-dessus des mesquines rancunes électorales pour considérer les services rendus à la langue et à l’influence françaises par des religieux qui, pour porter l’habit ecclésiastique, n’en sont pas moins des Français. C’est le minimum de ce que, en dehors de toute tendance politique ou confessionnelle, le patriotisme puisse réclamer de nos Chambres. Si peu que ce soit, serait-ce trop exiger de majorités asservies à des haines si impérieuses qu’elles ne sauraient se laisser fléchir ? Les considérations que M. Combes lui-même a timidement fait valoir en faveur des Pères Blancs et des Missions africaines de Lyon, pourquoi en refuser le bénéfice à toutes les congrégations enseignantes, et spécialement à celles qui ont choisi comme champ d’opérations le Levant et l’Extrême-Orient ? Ce qui est vrai de l’Afrique ne l’est-il donc pas de l’Asie ? Pourquoi ne pas écouter la voix des milliers d’enfans et de jeunes gens qui, du fond de la Syrie, de l’Asie Mineure, de l’Egypte, de la Chine, implorent la justice de nos gouvernans en faveur des maîtres qui, avec la langue française, leur apprennent l’amour de la France ?

Et si nos législateurs ne se sentent pas libres, s’ils sont captifs d’engagemens pris envers des pouvoirs occultes, si les exigences de la politique radicale ne leur permettent pas de tolérer, sur le sol français, tous les libres collèges et toutes les libres écoles des congrégations, que n’accordent-ils au moins, à celles qui ont des établissemens à l’étranger, de conserver en France assez de maisons pour y recruter et pour y former des maîtres