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notamment, les maires sont absolument incapables d’exercer leurs fonctions dans les petites communes. Comment surveiller, avec un ou deux gardes champêtres, des étendues de dix à trente mille hectares ? Il y a bien, il est vrai, les chefs des douars qui prennent ici le nom d’adjoints indigènes, mais ils ont encore moins d’autorité qu’en commune mixte, et c’est bien peu dire. On se plaint aujourd’hui partout des nombreux vols qu’ont à supporter les colons, et de l’insécurité qui règne dans une grande partie de l’Algérie ; le comice agricole de Guelma a notamment publié une longue nomenclature des vols commis autour de cette ville. A-t-on remarqué que la presque-totalité de ces méfaits s’accomplit dans des communes de plein exercice ? Il n’en saurait être autrement, la principale préoccupation de certains maires n’étant pas la bonne administration de leur commune ; ils songent plus à se faire réélire et à profiter des avantages de toute sorte qui résultent de leurs fonctions municipales qu’à assurer la sécurité. Ajoutons, qu’habitant le centre européen où ils exercent un petit commerce, ils se préoccupent peu des déprédations, des vols de bestiaux ou des incendies atteignant spécialement les colons placés à la tête d’exploitations agricoles.

Ce n’est pas seulement dans les communes rurales, mais même dans les villes que la police est insuffisante, et ici la cause n’est plus la même. Dans notre passion d’uniformité, nous avons transporté, sans modifications, notre loi municipale en Algérie et nous y avons remis la police au maire. Il en résulte qu’elle n’est dirigée par personne ; ni par les commissaires de police qui craignent souvent les reproches de la municipalité, et dont le recrutement est d’ailleurs très défectueux ; ni par les maires qui cherchent à s’épargner avant tout ce souci désagréable, et ne veulent pas paraître molester leurs administrés. Sous le rapport de la police et de la sécurité, le rôle de l’administration préfectorale devrait être beaucoup plus étendu. Tel n’est pas le seul motif pour lequel l’organisation française, déjà si défectueuse dans les grandes villes, devait être absolument écartée en Algérie. Il en existe un autre beaucoup plus grave. Quelle que soit notre puissance en ce pays, notre domination s’y impose, mais elle n’est pas acceptée sans conteste. Chez les indigènes, le fanatisme religieux est toujours facilement excitable et, parmi les Européens, la présence d’une population étrangère plus nombreuse sur certains points que la population française, attachée