Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/909

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

légales, met souvent un mois. Quelles garanties présente d’ailleurs le fonctionnement de la justice de paix pour les indigènes ? Le soin de remettre les avertissemens est confié aux aouns, sortes d’huissiers indigènes ; mais la remise directe à l’intéressé n’étant obligatoire qu’à la résidence même du juge, on voit comment peut se faire la remise dans les douars ; tantôt l’avertissement s’égare, tantôt il ne parvient que tardivement, de telle sorte que le jugement est déjà prononcé lorsque l’une des parties se présente au prétoire, elle peut donc se trouver condamnée sans le savoir, inconvénient qui ne se présentait pas devant la mahakma des cadis dont les jugemens ne pouvaient être rendus par défaut.

Il est inutile de reproduire ici les plaintes auxquelles donne lieu, même en France, noire ; système de procédure qu’on s’est empressé d’appliquer intégralement en Algérie. Au début de notre occupation, on avait semblé vouloir établir un régime plus simple ; c’est ainsi qu’on avait réuni, dans la personne de l’avocat défenseur, les attributions des avoués et des avocats ; c’était là une conception heureuse qui devait profiler aux justiciables en réduisant les frais et honoraires. On s’est avisé, dans ces dernières années, que le développement des affaires ne permettait plus de réunir dans les mêmes mains la postulation et la plaidoirie, et on a créé des charges d’avoués, tandis que celles de défenseurs disparaîtront probablement par voie d’extinction. Il en résulte une augmentation de dépenses pour les plaideurs, et par conséquent, un progrès à rebours ; mais on aime à penser que tout se passe de même devant le tribunal de Mascara que devant celui de Dunkerque, et pour certains esprits ce n’est pas là une mince satisfaction.

La magistrature algérienne, très soucieuse des formes, ferme trop souvent les yeux sur les agissemens des officiers ministériels. L’habitude de faire taxer les mémoires ayant à peu près disparu, on présente parfois des comptes fantaisistes qui sont payés par les parties sans aucune observation. On conçoit qu’avec de telles pratiques, les bénéfices des officiers ministériels d’Algérie soient élevés. Ils le sont tellement qu’on a conçu, il y a quelques années, le projet bizarre de les partager avec le Trésor. A notre sens, une réforme en cette matière doit procéder par voie de réduction des tarifs et non par voie de partage des bénéfices, car ce partage accroîtrait encore la responsabilité de l’Etat. En ajoutant à cette mesure une surveillance plus étroite