Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était un ancien newmanite, Church, qui observait les événemens du fond de son presbytère de campagne : tout en blâmant les Essays, il se rendait compte que cette introduction de la critique historique dans les questions bibliques était un fait inéluctable, dont on n’aurait pas raison par des condamnations précipitées et sommaires ; le plus important à ses yeux eût été d’aborder, avec sérieux et calme, cette science nouvelle et de ne plus la laisser exclusivement aux mains des esprits téméraires qui s’en étaient emparés[1].

Grâce aux attaques dont ils étaient l’objet, les Essays and Reviews trouvaient maintenant en foule les lecteurs qui leur avaient manqué au début. Leurs défenseurs étaient nombreux dans la presse. Stanley n’avait pas goûté ce livre et en avait même trouvé quelques parties tout à fait blâmables ; mais il ne put voir ses auteurs aux prises avec une orthodoxie qu’il estimait étroite et intolérante, sans se porter à leur secours. Il se jeta donc dans la mêlée et publia, en avril 1861, dans la Revue d’Edimbourg, un article fort vif de ton, où il cherchait moins encore à justifier les écrivains attaqués qu’à prendre à partie ceux qui prétendaient s’instituer leurs juges. Les Essayists trouvaient des sympathies jusque dans la Cour. L’une des filles de la Reine, la princesse royale de Prusse, future impératrice d’Allemagne, venait incognito rendre visite à Jowett, qui se déclarait charmé d’elle et de ses doctrines[2]. Le prince Albert, en relation avec Bunsen, était favorable à la critique allemande et exprimait, peu avant sa mort, le vœu que le prince de Galles fût placé sous l’influence de Stanley. Ce dernier, en effet, fut choisi, en 1862, pour accompagner le jeune prince en Terre Sainte.

En présence de cette excitation de l’opinion et de l’appel que leur adressaient les adversaires des Essays, les évêques étaient fort embarrassés. Ils avaient moins conscience de leur autorité que de leur faiblesse et de leurs divisions. Toutefois, telle était la pression de leur clergé, qu’en février 1861, après une délibération assez confuse, ils se crurent obligés de faire aux adresses une réponse collective, rédigée par Wilberforce. Sans nommer le livre, ils exprimaient « leur peine que des clergymen de leur église eussent soutenu les opinions qui leur étaient dénoncées, »

  1. Life and Letters of Dean Church, p. 155 à 158. Letters of J. -B. Mozley, p. 248.
  2. Life and Letters of Jowett, t. I, p. 342.