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se porter promptement au secours des colonies espagnoles[1].

En touchant le 3 décembre à Madère, Château-Renault ne fut nullement surpris de ne rien y apprendre concernant la navigation de la flotte ennemie. Par une exacte compréhension de la situation de son adversaire, il s’était en effet rendu compte que Bembow, parfaitement au courant, lors de sa sortie de la Manche, du récent départ d’une escadre française, mais ignorant vraisemblablement le long séjour de cette escadre à Lisbonne, puis à Cadix, loin de s’arrêter sur une croisière où son eau et ses vivres se fussent épuisés, aurait plutôt cherché à regagner une partie de son imaginaire retard. De l’interversion même des rôles en la réalité, ressortait pour Château-Renault l’obligation de modeler sa conduite sur celle de l’ennemi et, sans s’attarder à Madère, de continuer sa route vers la Martinique.

Il y arriva le 2 janvier 1702, très éprouvé par une traversée pénible, et sut seulement alors que Bembow l’avait effectivement devancé. L’Anglais, après un court séjour à la Barbade, puis à la Dominique, avait conduit à la Jamaïque les neuf bâtimens dont se composait son escadre.

Assuré qu’avec des forces aussi réduites, cet adversaire n’oserait rien entreprendre contre les possessions espagnoles, Château-Renault crut pouvoir donner à ses équipages quelques semaines d’un repos également nécessaire à la réparation de ses vaisseaux. Toutefois, à raison de l’impossibilité pour l’administration locale de réunir sur ce point tous les « rafraîchissemens » indispensables aux nombreux malades, il dut détacher Nesmond avec une partie de l’escadre au mouillage de Fort-Saint-Pierre[2].

Grâce au zèle des autorités et au dévouement des colons, la flotte fut bientôt en état de reprendre la mer. En vue d’exercer sur Bembow une surveillance plus efficace, l’amiral songeait déjà à s’avancer vers l’ouest jusqu’à Léogane, dans l’île de Saint-Domingue, lorsque, le 25 janvier, des instructions nouvelles lui arrivèrent de France[3].

Il ne s’agissait plus dès lors d’une simple surveillance sur la flotte ennemie, mais bien d’une attaque contre les îles anglaises, car Pontchartrain lui prescrivait de s’emparer de la Barbade et d’y saisir ensuite au passage un convoi récemment

  1. Le Roi à Château-Renault, 2 octobre 1701. — Archives de la Marine.
  2. Château-Renault à Pontchartrain, 17 février 1702. — Archives de la Marine.
  3. Ibid.