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cette occasion, ajoute-t-il, que tous nos vaisseaux n’ont de vivres que ce qui convient à la plus grande diligence que vous puissiez faire. Ainsi, je me repose sur les soins de Votre Excellence, et les ordres qu’il vous plaira de donner pour qu’il n’y ait point de temps perdu[1]… »

Tandis qu’un jeune officier de marine, La Ralde, porte à la Vera-Cruz la dépêche dont sont extraits ces divers passages, les deux escadres, celle de Château-Renault et celle de La Harteloire, se disposent à quitter ensemble la Martinique. En effet, pour se rendre à la Havane, l’amiral n’en suivra point au nord-ouest, par le travers de la Jamaïque, la route directe. Afin d’éviter Bembow, il remontera d’abord vers le nord en longeant à l’ouest avec toutes ses forces les côtes des Petites Antilles ; puis il ira débouquer par la passe de Mona et aura ainsi accompagné, jusque dans l’Océan, la division de France.

Le 22 février la flotte lève l’ancre. Bientôt elle passe en vue de la Guadeloupe et de Saint-Christophe, dont une tempête l’empêche d’approcher. Elle gagne ensuite Porto-Rico, où une anordie la retient pendant quelques jours. Le 1er mars, elle se trouve au débouquement entre cette île et celle de Mona. Là, Château-Renault fait aux vaisseaux de La Harteloire le signal de séparation[2] ; puis, continuant sa route vers Saint-Domingue, mouille, le 2 au soir, devant Léogane.

Les renseignemens qu’il y recueille, ceux que lui procure, quelques jours plus tard, la capture d’un brigantin anglais opérée par Rochambeau sont bien de nature à fortifier l’amiral dans sa résolution. Les vaisseaux de Bembow ont grandement souffert de cette campagne et la mortalité a considérablement réduit leurs équipages. Les hommes demeurés valides sont pour la plupart employés à terre, soit à des travaux de fortification, soit à la construction d’établissemens pour les malades. Si, par suite, l’amiral anglais ne peut présentement rien entreprendre, il ne peut non plus projeter une attaque contre les colonies françaises ou espagnoles, car, les soldats amenés d’Angleterre ayant été dispersés dans les îles du Vent, il ne dispose plus des troupes nécessaires à un débarquement. Bembow ne songe évidemment qu’à barrer ultérieurement le passage à la flotte du Mexique.

  1. 21 février 1702. — Archives de la Marine.
  2. Château-Renault à Pontchartrain, 1er mars 1702. — Archives de la Marine.