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étaient pleins de confiance en eux-mêmes, dominateurs, obstinés, le premier tranquillement, le second impétueusement ; ils exigeraient d’exercer une action égale à leur responsabilité ; ils n’auraient pas la souplesse de s’effacer devant lui jusqu’à l’anéantissement apparent, et encore moins de supporter sans mot dire ses escapades imméritées de reproches. « Avec La Marmora et Cialdini, il ne se passera pas deux jours, disait-il, que nous ne nous rompions la tête. » Il fallait cependant prendre l’un ou l’autre, et, Cialdini refusant, il dut subir La Marmora.

En Prusse deux princes se trouvaient à la tête de deux armées 5 le prince héritier et le prince Frédéric-Charles. Entre les deux existait une certaine rivalité par suite de la jalousie du prince Frédéric-Charles, qui s’estimait plus que celui au-dessous duquel sa naissance le plaçait. Ce prince était avant tout un soldat, ardent, instruit, toujours occupé des choses de la guerre, auquel suffisait un chef d’état-major dans les conditions ordinaires ; le général Voigts-Rhetz les remplissait fort bien. Le prince héritier était avant tout un civil, faisant la guerre avec beaucoup de bravoure et de sang-froid, sans ferveur, aimant à dormir à son heure. Plus qu’auprès de son père, il fallait auprès de lui un chef d’état-major qui suppléât à son inexpérience. Cette tâche fut confiée à un des meilleurs généraux de l’armée, Blumenthal, homme de guerre consommé, prompt de résolution, ayant autant d’initiative que d’expérience.


II

François-Joseph renonçant à prendre le commandement, il fallut désigner deux généraux en chef. Les noms indiqués étaient ceux de l’archiduc Albert et du feld-maréchal Benedek.

L’archiduc avait reçu une éducation soignée de son père, l’archiduc Charles, bien servi en sous-ordre en Italie, mais il n’avait donné aucune preuve éclatante de ses talens militaires, et il était impopulaire à cause des sévérités de son gouvernement en Hongrie. Au contraire, la carrière de Benedek avait été brillante. Il était Hongrois, protestant, de famille bourgeoise ; ses études terminées à l’Académie militaire de Wiener-Neustadt, il fut porte-enseigne (1822) dans le régiment de Chastelar. Colonel, il se distingua en 1843, dans la répression des troubles de Galicie, par la rapidité décisive de son action, qui lui valut le titre de