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célèbre entreprise du pontife Olopoun, venu de Judée (Ta-Tsin) pour apporter la vraie religion aux Chinois ; les faveurs que lui accorda l’empereur Tsaï-Tsong (de la dynastie des Tang), après avoir examiné sa doctrine et l’avoir sanctionnée par un édit ; la protection des successeurs de Tsaï-Tsong et la réputation du Nestorianisme en Judée, les persécutions du VIIe siècle (sous l’empereur Vou-Tsoung, 845), les bienfaits des empereurs Hiouen-Tsoung, Tien-Pao, Sou-Tsoung, Taï-Tsoung et Kien-Tchoung ; les travaux, la science et les succès du pontife Isaac ; les services rendus à la religion nestorienne par le grand mandarin Kouo-Tze, et la résolution de perpétuer ces souvenirs par une stèle mémoriale.

Gengis-Khan et ses successeurs persécutèrent les Nestoriens ; la dynastie des Youen les protégea. Mais les lettrés, les mandarins et les collaborateurs et successeurs de Jean de Monte Corvino (1282) la discréditèrent dans l’esprit des Ming, en alléguant que cette croyance s’était adultérée de superstitions chinoises.

Et cette forme du christianisme disparut de la Chine au XVe siècle, après s’y être développée pendant huit cents ans.

Et, par une singulière ironie du sort, l’Empereur, l’Impératrice douairière, le prince Touan et toute la cour, chassés de Pékin par les peuples de la Croix qu’ils n’ont pu renverser, sont allés chercher un asile justement auprès du plus ancien témoin qu’on ait trouvé de sa plantation en Chine !

Les Nestoriens avaient, eux aussi, profondément entamé la « Fleur du Milieu. » Ils ont passé. A leur tour, toutes les ombres qui voltigeaient autour de moi, dans la pluie fine, au-dessus de l’herbe mouillée, ont passé, après avoir un moment pu croire qu’elles touchaient au triomphe.

De leurs œuvres, restent des murs émiettés, des stèles funéraires brisées, des tombes vidées et des fragmens d’os dispersés dans les ronces…

Une fois encore le champ qu’ils avaient cultivé vient d’être brûlé par le tonnerre avant que la moisson fût mûre, et l’Église devra recommencer à promener patiemment, sur l’empire du Fils du Ciel, le geste auguste du semeur.


VILLETARD DE LAGUÉRIE.